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Jean Paul II, Les rapports entre la foi et la raison - 2

Publié le 07 septembre 2010 par Walterman

 

38. La rencontre du christianisme avec la philosophie ne fut donc ni immédiate ni facile. La pratique de la philosophie et la fréquentation des écoles furent considérées par les premiers chrétiens comme une source de trouble plus que comme une chance. Pour eux, le devoir premier et pressant était l'annonce du Christ ressuscité, à proposer dans une rencontre personnelle capable de conduire l'interlocuteur à la conversion du cœur et à la demande du Baptême. Cela ne signifie pas pour autant qu'ils aient ignoré le devoir d'approfondir l'intelligence de la foi et de ses motivations, bien au contraire. La critique de Celse, qui accuse les chrétiens d'être une population « illettrée et fruste », s'avère donc injuste et sans fondement. L'explication de leur désintérêt initial doit être recherchée ailleurs. En fait, la rencontre avec l'Évangile offrait une réponse si satisfaisante à la question du sens de la vie, demeurée jusqu'alors sans réponse, que la fréquentation des philosophes leur apparaissait comme une chose lointaine et, dans une certaine mesure, dépassée.

Cela apparaît aujourd'hui encore plus clairement si l'on pense à l'apport du christianisme qui consiste à affirmer le droit universel d'accès à la vérité. Ayant abattu les barrières raciales, sociales ou sexuelles, le christianisme avait, depuis ses débuts, proclamé l'égalité de tous les hommes devant Dieu. La première conséquence de cette conception concernait le thème de la vérité. On dépassait définitivement le caractère élitiste que sa recherche avait pris chez les Anciens: dès lors que l'accès à la vérité est un bien qui permet de parvenir à Dieu, tous doivent être aptes à parcourir cette route. Les voies d'accès à la vérité restent multiples; toutefois, la vérité chrétienne ayant une valeur salvifique, chacune de ces voies peut être empruntée, du moment qu'elle conduit au but final, la révélation de Jésus Christ.

Parmi les pionniers d'une rencontre fructueuse avec la pensée philosophique, même marquée par un discernement prudent, il faut mentionner saint Justin: tout en conservant, même après sa conversion, une grande estime pour la philosophie grecque, il affirmait avec force et clarté qu'il avait trouvé dans le christianisme « la seule philosophie sûre et profitable ». De même, Clément d'Alexandrie appelait l'Evangile « la vraie philosophie », et il comprenait la philosophie par analogie à la loi mosaïque comme un enseignement préparatoire à la foi chrétienne et une propédeutique à l'Evangile. Puisque « la philosophie désire la sagesse qui consiste dans la droiture de l'âme et de la parole et dans la pureté de la vie, elle a des dispositions d'amour et d'amitié pour la sagesse et elle fait tout pour l'atteindre. Chez nous, on appelle philosophes ceux qui sont épris de la Sagesse créatrice et éducatrice de l'univers, c'est-à-dire épris de la connaissance du Fils de Dieu ». Pour l'Alexandrin, la philosophie grecque n'a pas pour but premier de compléter ou de renforcer la vérité chrétienne; sa mission est plutôt la défense de la foi: « L'enseignement du Sauveur se suffit à lui-même et n'a besoin de rien d'autre, puisqu'il est "force et sagesse de Dieu". Lorsqu'elle survient, la philosophie grecque ne rend pas la vérité plus puissante, mais, rendant impuissante l'attaque de la sophistique contre elle et déjouant les pièges contre la vérité, elle est appelée à bon droit la haie et le mur de la vigne ».

39. Dans l'histoire de ce développement, il est toujours possible de constater que les penseurs chrétiens ont repris la pensée philosophique de manière critique. Parmi les premiers exemples que l'on peut trouver, celui d'Origène est certainement significatif. Contre les attaques portées par le philosophe Celse, Origène prend la philosophie platonicienne pour argumenter et lui répondre. En se référant à un grand nombre d'éléments de la pensée platonicienne, il commence à élaborer une première forme de théologie chrétienne. Le mot même et le concept de théologie comme discours rationnel sur Dieu étaient liés jusqu'alors à leur origine grecque. Dans la philosophie aristotélicienne, par exemple, ce mot désignait la partie la plus noble et le véritable sommet du discours philosophique. A la lumière de la Révélation chrétienne, au contraire, ce qui indiquait d'abord une doctrine générale sur la divinité en vint à prendre un sens entièrement nouveau, dans la mesure où cela définissait la réflexion accomplie par le croyant pour exprimer la véritable doctrine sur Dieu. Cette nouvelle pensée chrétienne en développement se servait de la philosophie, mais elle tendait en même temps à s'en distinguer nettement. L'histoire montre que la pensée platonicienne elle-même, utilisée par la théologie, a subi de profondes transformations, en particulier dans le domaine de concepts comme l'immortalité de l'âme, la divinisation de l'homme et l'origine du mal.


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