Sarko bride Brice
L'agenda officiel du président français cette semaine est apparemment très international et protocolaire. A l'exception d'une réunion avec « des » présidents d'universités autonomes ce mercredi, il se consacre à l'Europe, avec un rendez-vous avec le président de la Commission José-Manuel Barroso (lundi), un autre avec l'inexistant président de l'Union (jeudi), et un entretien avec des représentants russe de la Défense (mardi). Pourtant, l'attention présidentielle était clairement ailleurs. Rien sur les retraites, ni les finances publiques. Même l'immigration n'est pas mentionnée dans le carnet présidentiel.
Lundi 6 septembre dans la matinée, Nicolas Sarkozy a pourtant reçu ses ministres Hortefeux (Intérieur), Besson (Immigration) et Allio-Marie (Justice) pour trancher sur leurs propositions concurrentes de déchéance de nationalité. Hortefeux avait inventé un nouveau délit, mêlant escroquerie, abus de faiblesse et polygamie de fait; Besson et Alliot-Marie préféraient limiter la déchéance aux attaques volontaires contre des représentants de l'ordre public, le premier l'étendant aux naturalisés depuis moins de 8 ou 10 ans. Ce weekend, le député UMP (faux) villepiniste Hervé Mariton a suggéré une période probatoire de 5 ans à imposer aux étrangers souhaitant devenir Français, une proposition aussitôt rejetée par le ministre de l'identité nationale.
A droite, on s'écharpe donc encore sur ces symboles sécuritaires dont tout le monde sait qu'ils n'auront aucun impact réel sur la délinquance. A l'issue de la réunion, un bref communiqué révélait que Sarkozy avait retoqué les délires sécuritaires de son ministre de l'intérieur : l'extension de la déchéance de nationalité ne concernera que les meurtres de policiers et gendarmes. Le chef de Sarkofrance a fait savoir qu'il souhaite que soit mise en oeuvre « dans les meilleurs délais (...) la possibilité de retirer la nationalité française, dans un délai de dix ans après l'accession à la nationalité française, à ceux qui portent atteinte à la vie d'une personne dépositaire d'une autorité publique, en particulier les policiers et les gendarmes. » Le discours de Grenoble, rien que le discours de Grenoble. Le camp présidentiel est suffisamment divisé comme cela. Eric Besson sera doublement satisfait : sa proposition de faciliter les expulsions a été retenue. L'Elysée a demandé « une réforme de la loi sur l'immigration pour faciliter la reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière, y compris, dans certaines circonstances particulières, des ressortissants de l'Union européenne. »
Inquiet d'appels à manifester près de la mairie du 7ème arrondissement le 16 septembre prochain, Eric Besson a par ailleurs décidé de changer de lieu pour la cérémonie.
Sarko néglige les grèves
Lundi matin, le ministère du Travail mettait en ligne sur son site une présentation du « train Alzheimer », qui sillonnera la France du 7 au 21 septembre pour sensibiliser le pays à cette grande cause nationale. Faut-il y voir un signe du destin, un clin d'oeil involontaire à l'attitude présidentielle ? Mardi 7 septembre est le point d'orgue de la rentrée sociale, une journée d'action et de grève tous azimuts contre le projet Sarkozy de réforme des retraites. Eric Woerth, mal en point, a prévu d'intervenir ce soir sur TF1 pour livrer la parole officielle. Si le mouvement a du succès, il lâchera des compromis déjà annoncés, sur la pénibilité et les polypensionnés. Si la mobilisation est décevante, il pourra parader. La veille, lundi, la grève anticipée dans l'enseignement n'a mobilisé que 6 à 30% des personnels (suivant les sources).
Depuis des semaines, les dirigeants de l'UMP répètent qu'il n'y a pas d'alternative à leur projet, et que la France était à la traîne. Lundi encore, le Figaro tentait une comparaison pro-sarkozyenne mais incomplète avec nos voisins européens. Le quotidien de Sarkofrance omettait les points essentiels : Primo, ailleurs en Europe, les durées de cotisation sont loin d'être aussi importantes qu'en France (41 ans en 2012) : 35 ans en Espagne en Allemagne, 36 ans en Italie, 30 ans en Angleterre. Secundo, l'effort de financement n'est pas équilibré. 80% des ressources nouvelles proviennent des travailleurs (via le recul des âges de départ et de retraite à taux plein et l'alignement public/privé), les revenus du capital étant quasiment épargnés. Tertio, certaines dispositions du projet sont carrément iniques, comme celle qui exige un handicap pour motif professionnel avéré d'au moins 20% pour maintenir un départ anticipé. Sur le fond, les opposants à la réforme ne nient pas le problème mais contestent les modalités retenues, et non négociées, par Nicolas Sarkozy.
Sarkozy ignore Woerth
Après avoir reconnu avoir demandé la Légion d'honneur de Patrice de Maistre, « comme n'importe quel député de base », Eric Woerth, lundi, devait faire face à une nouvelle révélation. Mediapart publie quelques extraits du procès-verbal de l'audition de Patrice de Maistre, le 25 août dernier, par la brigade financière, et détaille le contenu du courrier qu'il a adressé le 12 mars 2007 à Nicolas Sarkozy pour demander la légion d'honneur pour Patrice de Maistre.
Woerth y explique que de Maistre « a bien voulu me faire part de son souhait d'être décoré de la légion d'honneur.» En juillet, lors de son audition avec la brigade financière, le ministre du Travail avait expliqué qu'il n'avait fait que donner un avis positif à cette demande qui aurait été transmise par l'un de ses conseillers. Surtout, ce courrier contient une note manuscrite écrite par Woerth à Sarkozy: « je t'en reparle. », la preuve de l'attention toute particulière que cette demande nécessitait. Enfin, cette lettre était accompagnée du CV de Maistre actualisé en février 2007. Or l'une des thèses de la défense woerthienne était que cette demande de décoration daterait de 2006. Gêné, Patrice de Maistre explique : « C'est peut-être un CV donné à Eric de Sérigny, je ne m'en souviens pas ». Eric de Sérigny fut ensuite l'un des conseillers d'Eric Woerth au ministère du Budget, en charge des relations avec le monde économique...
Pour conclure, Mediapart livre cet échange, entre policiers et gardé à vue :
Face à tant d'incohérences, les enquêteurs ont poussé leur avantage durant la garde à vue de Patrice de Maistre: «L'intervention en votre faveur est donc faite par Eric Woerth, trésorier de l'UMP, trésorier de “Ensemble tout devient possible” (association créée par Nicolas Sarkozy pour sa campagne présidentielle de 2007, NDLR), à Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, par ailleurs candidat à l'élection présidentielle et chef de l'UMP. Maintenez-vous toujours que cette demande faite en votre nom par Eric Woerth est sans lien avec votre contribution financière à l'UMP?»
Manifestement piqué dans son orgueil, Patrice de Maistre leur a rétorqué : «J'ai la prétention de penser que si on m'a remis la légion d'honneur, ce n'est pas pour avoir contribué à une campagne présidentielle mais plutôt au regard de ce que j'ai fait dans ma vie au cours de ma carrière professionnelle. J'ajoute que j'ai depuis continué à contribuer au Premier Cercle (association des principaux donateurs de l'UMP, NDLR), que cela n'a rien à voir avec le fait que j'ai reçu la légion d‘honneur.»
Comme si cela ne suffisait pas, la CGT a publié une lettre ouverte critiquant un éventuel conflit d'intérêt d'Eric Woerth dans sa gestion de l'affaire Molex. En mars 2010, quelques jours après avoir été nommé ministre du travail, Eric Woerth avait désavoué l'inspection du Travail en autorisant le licenciement des représentants du personnel de l'usine Molex de Villemur-sur-Tarn, alors que l'un de ses proches conseillers, Eric de Sérigny travaillait par ailleurs pour une société de conseil financier en contrat avec la direction de l'établissement. Cette polémique est née d'une enquête de France inter il y a trois semaines.
Mardi soir sur TF1, Eric Woerth parlera-t-il des retraites, ou de ces affaires ?
Sarko néglige les impôts
Le débat fiscal s'éclaircit peu à peu, au grand dam de l'Elysée. Vendredi dernier, Nicolas Sarkozy avait loué la suppression de la taxe professionnelle auprès d'ouvriers d'une usine du groupe Vallourec, occultant les autres hausses d'impôts que cette réforme de la fiscalité locale occasionnera. Il avait également répété son crédo de ne pas augmenter les prélèvements, y compris pour financer les retraites. Pourtant, divers projets de relèvements de la TVA ont été dévoilés ces derniers jours. Et, pire, les impôts locaux se rappellent au bon souvenir des contribuables. L'an prochain, ils subiront une nouvelle hausse, inévitable effet de la suppression de la taxe professionnelle.
Lundi, le Figaro révélait en effet que les impôts locaux devraient à nouveau augmenter en 2010, mais moins fortement que l'an passé: « les ménages devraient voir leurs impôts locaux augmenter entre 3,7% et 3,9% cette année » explique le journal. En cause, le relèvement des valeurs locatives (indexé sur l'inflation, soit +1,2%) et une augmentation des taux d'imposition. Même le Figaro était contraint de reconnaître que les collectivités locales s'étaient retenues, citant même en exemple les villes de Montpellier et ... Lille ! Or la suppression de la taxe professionnelle, qui n'entrera en vigueur qu'en 2011, risque de perturber les finances locales.
A cette date, les collectivités toucheront la nouvelle contribution économique territoriale (CET) qui prend le relais de la TP. Et si l'équation doit rester équilibrée, il y a fort à parier pour que les impôts locaux progressent donc à nouveau très fortement. En mai dernier, le socialiste Martin Malvy, président de l'Association des petites villes de France, expliquait déjà : « Les élus craignent de devoir imposer davantage les ménages pour boucler leur budget, d'autant plus que l'on s'oriente vers un gel des dotations de l'Etat.»
Impôts, retraites, ou Woerthgate, Sarkozy n'en a cure. Ou fait semblant.