N’aurait été de la recommandation de Tristan Malavoy Racine, son petit-fils, et de l’assurance d’une « fin heureuse », ce rajout judicieux de textes sélectionnés par la famille, je serai certes passé à côté de ce pourtant très bel ouvrage. Il me semblait, comme à plusieurs, que j’en avais suffisamment entendu sur le sujet. Et pourtant ! La bêtise humaine est à découvrir sous tous ses angles, comme l’amour. Vous allez me dire qu’on se lasse moins d’entendre disserter sur l’amour, que ça coule de source, eh bien, André Malavoy, s’il a pu se rendre à l’âge respectable de 85 ans, avec les traces laissées par les privations et les mauvais traitements, c’est qu’il était empli d’amour. D’espoir aussi, cet oxygène vivifiant qu’il a continué à respirer entre les murs suintants la mort des prisons et camps de concentration. Comment ? Oui, comment on fait pour passer au travers de la cruauté, du défaitisme ambiant, du profond désespoir des autres autour de soi ? Si vous vous posez cette question, en lisant ce témoignage, vous allez trouver une réponse. C’est la beauté intrinsèque de ce récit, et je ne crois pas me tromper en disant que si l’auteur a consenti à descendre dans le cachot de ses souvenirs c’est pour nous offrir de la lumière, ne serait-ce que celle diffusée par la solidarité.
Il fallait trouver le ton, je ne sais pas s’il l’a cherché longuement, mais ce que j’ai lu est un ton juste, où je n’ai pas senti poindre d’apitoiement, de larmoiement, ou ce ton moralisateur qui joue avec la culpabilité de celui convaincu qu’il n’y serait pas arrivé, lui. Et si la description des tortures brutes, ou celles plus insidieuses avait été trop brutale, j’aurais abandonné ma lecture. C’était un pacte fait avec moi-même ! Pour être tout à fait franche, une seule fois, j’ai tourné rapidement la page.
Par la voix de ce seul homme, j’ai appris sur l’Histoire, par le détail du quotidien des prisons, sur le pouvoir bête et aveugle, sur la terreur, sur les Allemands zombis, si ce n’était que ça, se serait déjà beaucoup mais, surtout, j’en retire la certitude que nos réserves physiques dépendent de notre attitude. De notre état d’esprit. Dans ce témoignage énoncé sans prétention, on apprend que l’ennemi de première ligne quand tu pâtis à ce point, c’est soi. Ne jamais laisser tomber les bras, ils seraient trop lourd de les relever ensuite. Pour cela, André Malavoy a découvert une discipline et s’y est astreint avec acharnement, jour après jour, seconde après seconde. Combattre l’ennemi devant lequel il ne voulait pas rendre les armes, sa folie.
Vous imaginez bien que la dernière partie « Fin heureuse » est un baume sur la plaie qui a été ouverte devant nous. C’est aussi l’assurance que c’est bien vrai, cet homme a résisté et est sorti indemn
* « Je consacrerai aujourd'hui, comme je le fais souvent, un bon moment à une chose essentielle, faire des bouquets » tiré de la deuxième partie "Fin heureuse", p. 160.