Il faut être patient pour aimer « Poetry », le dernier film du réalisateur coréen Lee Chang Dong. A l’image d’un poème, c’est au lecteur de trouver le sens, de suivre chaque ligne pour comprendre en quoi l’histoire particulière qu’il conte tend vers quelque chose de plus universel. Mais le spectateur qui se prêtera à l’exercice ne sera sans doute pas déçu.
L’histoire particulière, c’est celle de Mija, une femme d’une soixantaine d’année, qui élève seule son petit fils. C’est une femme simple, généreuse, droite. Si droite qu’elle ne plie pas quand on lui apprend qu’elle a la maladie d’Alzheimer. Ironie du sort quand l’on sait que Mija vient tout juste de s’inscrire à un cours de poésie, pour trouver les mots et l’inspiration. Le cours doit ouvrir au beau, alors que c’est le sordide qui rôde, puisque Mija apprend que son petit fils aurait participé au viol collectif d’une jeune fille qui vient de se suicider. Pour les parents des autres violeurs, la première obsession est d’acheter le silence de la famille et de préserver l’honneur.
Mija, si elle commence à perdre la tête, semble alors être la seule à la garder dans cet environnement froid, où l’unique thème relié au viol est celui de l’argent et de la rumeur. Le film est centré quasiment exclusivement sur ce personnage cerné par les contradictions, entre la révolte pour l’acte commis par son petit-fils et son amour pour lui; entre les conventions sociales et les convictions intimes. Sans lyrisme excessif, de vraies questions sont posées sur la façon dont garder son humanité dans un contexte marqué par l’indifférence à la souffrance d’autrui. C’est là un dilemme universel.
Comme tout ça se montre rarement sur le pouce, c’est évidemment un peu long, et comme le film est soutenu quasiment par une seule figure, ce ne sont pas de folles intrigues qui tiendront en haleine. Mais il faut penser à ce que dit le prof de poésie lors de son 1er cours, en sortant une pomme: vous pensez en avoir vu une 100 fois, 1000 fois ou plus. Or c’est la première fois que vous la voyez vraiment, que vous avez vraiment envie de la connaitre, de savoir qui elle est et d’où elle vient.
« Poetry » est donc un peu long et lent, mais comme toute ouverture à l’essentiel.
Poetry, de Lee Chang-Dong
avec Yoon Jung-hee, David Lee
2h19
Sorti depuis le 25 août 2010