Magazine Cuisine

Shincha de derrière les fagots

Par Florentw
Chaque année, à partir de septembre, démarre la période des concours de thé au Japon.
Mais plus proche du consommateur, septembre est marqué par l'arrivé sur les étales des marchands de thé des "thés nouveaux d'automne" (aki shincha 秋新茶), ou "kuradashi shincha" (蔵出し新茶 "thés nouveaux sortis du grenier"), on parle parfois de "kuchi-kiri shincha" 口切り新茶. Il ne s'agit en aucun cas de récoltes d'automne, il s'agit bien de thés récoltés au printemps, des premières récoltes, car aucunes autre ne saurait donner au Japon de thés de grande qualité.
De quoi en retourne-t-il donc ?
Revenons sur le terme de "kuchi-kiri". Traduit au mot à mot, cela veut dire "couper la bouche". Ce terme désigne l'ouverture (de la bouche) de grandes jarres contenant le thé. Pour comprendre cela il faut revenir en arrière dans le temps, plusieurs siècles plus tôt, alors que le pays était gouverné par les Shôguns Tokugawa. Chaque année, le matcha nouveau n'arrivait pas au printemps, mais bien à l'automne. Le tencha, produit brut qui réduit en poudre donnera le matcha, était bien sûr cueilli puis fabriqué au printemps. Seulement, il était ensuite stocké dans de grandes jarres en terre, lesquelles étaient ensuite scellées puis enterrées, au frais à l'abri de la chaleur et de l'humidité de l'été japonais. C'était ensuite à l'automne, au retour de la fraicheur, que les jarres étaient ouvertes : c'est là que l'on parle de "kuchi-kiri". Le tencha était alors moulu en matcha.
Aujourd'hui encore, c'est à l'automne qu'arrive le matcha nouveau. On dit que le thé est meilleur après un léger affinage le temps de l'été (il est vrai que d'une manière générale, pour une raison qui m'échappe, les thés issus de culture ombrée, comme bien le matcha, mais aussi gyokuro et kabuse-cha, peuvent gagner en force en contact avec l'oxygène, dans une certaine mesure), mais je pense qu'à l'origine, à une époque où il n'existait pas d'emballage sous vide, anti UV et humidité, etc, cette pratique était la seule qui permette de ne pas voir le thé tout frais cueilli du printemps pourri par le climat de l'été, vrai cauchemar pour le thé.
Appliqué au sencha, ce "thé nouveau de derrière les fagots" est bien une opération marketing qui s'inscrit dans la ligné du kuchi-kiri shincha. Le sencha est conservé sous forme de aracha, produit brut non-fini, à très basse température, puis, en septembre, on y applique le hi-ire, phase de séchage de finition. Après, de nombreuses variations sont possibles, on blend, on trie ou au contraire on ne trie pas tiges et poudre, etc.
L'idée est d'avoir un "thé nouveau", tout frais puisque précieusement conservé sous sa forme brut de aracha, mais en même temps différent de celui du printemps, car il s'est "affiné" pendant plusieurs mois dans des conditions particulières de conservation.
Shincha de derrière les fagots
Chez Maruyama-en, on a deux produits, le premier est un sencha non trié, mettant l'accent sur le parfum, à infusé à température élevé (85-90°C), et le second est un sencha, trié lui, mais auquel est ajouté du gyokuro (pas de grands gyokuro, je vous rassure) laissé affiné pendant l'été.
Toutes les société, ont leur manière de faire, leur petit secret de fabrication, mais ce qui est intéressant, c'est de voir qu'il s'agit d'une opération qui prend ses racines dans une coutume ancienne, une coutume justifié à l'origine par un souci de qualité du thé.
Shincha de derrière les fagotsShincha de derrière les fagots

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Florentw 4836 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine