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Un petit papier rose à la fois si cher et si dérisoire

Publié le 06 septembre 2010 par 40millionsdautomobilistes

Un petit papier rose à la fois si cher et si dérisoireLa semaine der­nière en Loire-Atlantique un homme de 79 ans a été arrêté par la police (). Cette arres­ta­tion n’aurait rien d’insolite si en plus d’avoir trop d’alcool dans le sang le retraité n’était en situa­tion d’irrégularité : depuis 58 ans en effet, il rou­lait sans per­mis. Après une pre­mière ten­ta­tive sans grande convic­tion en 1952, le frau­deur avait aban­donné, pré­fé­rant contour­ner la loi jusqu’à aujourd’hui.

L’explication peut prê­ter à sou­rire, car aujourd’hui ce sont de toutes autres rai­sons qui amènent des mil­liers de gens à se pas­ser du per­mis de conduire. Les Fran­çais ne sont pas moins intel­li­gents aujourd’hui qu’il y a soixante ans, et conduire ne requiert pas plus de dex­té­rité qu’auparavant. Le cas de cet homme de 79 ans qui a conduit toute sa vie sans per­mis jette une lumière cruelle sur les frus­tra­tions de nom­breux Fran­çais que les caprices d’une auto-école empêche de se dépla­cer autre­ment qu’en emprun­tant les trans­ports en commun.

Le fait est que pen­dant près de 60 ans un homme ordi­naire a su conduire en res­pec­tant la prio­rité à droite, et cela sans per­mis ni auto­ri­sa­tion d’aucune sorte. Ce par­cours sans faute bien sûr ne jus­ti­fie pas l’indifférence aux lois, mais il rela­ti­vise gran­de­ment l’importance accor­dée aux auto-écoles, qui ont évidem­ment inté­rêt à exa­gé­rer la com­plexité du code de la route et les sub­ti­li­tés de la conduite.

Ce qui pose pro­blème aujourd’hui, ce n’est pas le prin­cipe du per­mis, mais l’absence totale de trans­pa­rence dans la rela­tion moniteur-élève. Les moni­teurs d’auto-école savent que le per­mis est indis­pen­sable à ceux qui essaient de l’obtenir et pro­fitent de la nature du ser­vice rendu (payer ne garan­tit pas l’obtention du papier rose) pour récla­mer des sommes tou­jours plus impor­tantes, sous pré­texte que l’élève n’est pas encore prêt. Quand il pousse la porte d’une auto-école, le jeune (ou moins jeune) can­di­dat ne sait pas où il va, ni com­bien il paiera.

Ceux qui ont encore assez de volonté ou d’argent pour s’accrocher jusqu’au bout n’ont même pas l’assurance de pou­voir fran­chir la der­nière marche, car le nombre d’inspecteurs à dis­po­si­tion des auto-écoles pour évaluer les futurs auto­mo­bi­listes est limité en amont par l’État. Sans par­ler des caprices tant de l’inspecteur que du moni­teur, refu­sant sou­vent de dis­tin­guer entre faute grave et étour­de­rie. Contre cet arbi­traire hon­teux, il n’y a aucun recours.

En 2009 le Comité Inter­mi­nis­té­riel de la Sécu­rité Rou­tière (CISR) avait annoncé des chan­ge­ments cen­sés aug­men­ter de 13 points le taux de réus­site, le fai­sant pas­ser à 65%. La réforme, à l’essai depuis jan­vier 2009, est entrée en vigueur au prin­temps 2010.

Les pes­si­mistes ont tort d’affirmer que seule la forme a changé. Le fond égale­ment a changé — plus d’inspecteurs, plus de places d’examen, pos­si­bi­lité de pas­ser le per­mis dans un dépar­te­ment voi­sin, etc — mais pas tou­jours dans la bonne direc­tion. A pré­sent les can­di­dats ne devront plus se conten­ter de res­pec­ter le code de la route : ils devront, en plus, apprendre à maî­tri­ser le chan­ge­ment de vitesse pour écono­mi­ser le car­bu­rant. Pas­ser au vert, en somme. On appelle ça la conduite res­pon­sable et res­pec­tueuse de l’environnement.

A chaque pas en avant répondent deux pas en arrière. Que voulez-vous : en voi­ture, la vitesse tue.


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