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"L'enfance sourde" à la Semaine mondiale de la Surdité

Publié le 06 septembre 2010 par Micheltabanou

la Cinémathèque de Toulouse s’associe à l’association Actions Culturelles pour Tous en Signes(ACTS) à l’occasion de la Semaine mondiale de la Surdité (20-25 septembre). Cette manifestation est l’occasion de réunir les différents publics autour du film coréen Jiburo de Lee Jung-hyang et du film documentaire L’Enfance sourde de Brigitte Lemaine.

 "L'enfance sourde", film documentaire de 64 minutes conçu et réalisé par Brigitte Lemaine. Disponible en DVD sous-titré version française auprès de FotoFilmEcrit, au prix de 20€. Les propos recueillis par Laurent Lejard vous apportent un éclairage tout particulier sur ce documentaire primé dans divers festivals.

 Marie-Thérèse et Guillaume, tous deux sourds profonds, se sont rencontrés dans l'établissement spécialisé de Nancy (Meurthe-et-Moselle) où ils étaient pensionnaires. De leur amour une fille est née en septembre 1997, Elsa, quelques mois avant qu'ils se marient. Depuis, Elsa a un frère, Réno. Brigitte Lemaine a suivi durant un an cette famille dont les parents sont sourds et les deux enfants entendants. Cela l'a replongée dans la relation étroite qu'elle eut jadis avec ses grands-parents qui, en l'absence des parents, l'ont élevée. Le documentaire qui en résulte, "L'enfance sourde", montre la nature particulière de la relation entre sourds et entendants au sein d'une famille et témoigne d'une certaine permanence du rôle et de la place des enfants, mêmes si les conditions de vie et l'intégration sociale des personnes sourdes a évolué ces dernières années.

Elsa est le personnage central du film. On la voit calme, réservée, réticente à signer. Alors qu'elle était bébé, les parents de Guillaume ont voulu imposer à leur petite-fille le français en première langue, sans tenir compte de ce que la langue des parents était celle des signes, et qu'ils voulaient que leur enfant s'exprime d'abord ainsi, tout en acquérant le français. Belle-maman passa outre, au point d'être perçue par Elsa comme sa mère, et prit des décisions unilatérales "radicales" (par exemple faire couper les beaux cheveux longs d'Elsa). Réno, lui, est plus vif et déluré que sa soeur, il aime visiblement signer, à sa manière : est-ce pour cela que son français est lacunaire au point de le conduire chez l'orthophoniste, ou bien est-ce dû à ce que ses parents n'oralisent pas ?

L'impact de la surdité sur l'éducation d'enfants entendants vivant au milieu des autres est un aspect essentiel du film. À cette difficulté s'ajoutait un environnement humain difficile, la famille résidant dans un quartier de grands-ensembles dans la banlieue de Reims. Moqueries, stigmatisation, incivilités ont eu raison de la patience des parents : ils ont vendu leur grande maison et se sont installés près de Troyes, dans un village. Passés les premiers étonnements et maladresses, la famille est maintenant bien acceptée par la communauté; Guillaume a même répondu favorablement à la proposition du maire d'animer des ateliers d'initiation à la langue des signes française.

"Ce documentaire résulte de la rencontre de ces parents lors du festival annuel Clin d'oeil, organisé par CinéSourds, explique Brigitte Lemaine. Guillaume a été président de l'association des sourds de Reims, il enseigne la langue des signes et fait du suivi d'insertion professionnelle dans une école spécialisée près de Troyes. Marie-Thérèse est éducatrice de formation, elle peint et s'est formée à la peinture sur meubles, elle envisage d'ouvrir une boutique, elle a déjà une clientèle. Elsa est l'interface nécessaire entre sa mère, qui veut se débrouiller seule mais n'y arrive pas toujours, et les entendants; la fillette se met souvent en retrait, mais c'est à elle que l'on s'adresse plutôt qu'à sa mère". La relation mère fille s'en trouve d'autant plus décalée que Marie-Thérèse pratique une langue des signes très "élitiste", qu'elle voudrait que tout le monde parle.

"J'en suis venue à pouvoir dire ce qui s'est passé, ajoute Brigitte Lemaine, en tant que petite-fille de grands-parents sourds qui m'ont élevée. Mon grand-père travaillait à la maison comme cartographe, contractuel à l'institut géographique national, il avait suivi les cours de l'école Estienne, très réputée dans l'imprimerie et la gravure. Pourtant, malgré la qualité de son travail, on lui refusait de travailler au milieu des autres parce qu'il était sourd. Ma grand-mère ne voulait pas signer en dehors de la maison, à l'époque la langue des signes était interdite". Si cette interdiction est aujourd'hui levée, et notre société plus ouverte aux sourds, la place particulière qu'occupe l'enfant entendant d'un parent sourd dans la communication avec les autres membres de la société conserve une certaine permanence, faisant peser sur ces enfants le poids d'un handicap parfois trop lourd pour eux. "Les enfants de parents sourds sont un peu comme les enfants de parents immigrés qui ne parlent pas le français, conclut Brigitte Lemaine, ce sont eux qui portent leurs parents"...




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