Syngué Sabour

Publié le 06 septembre 2010 par Melibu

Syngué Sabour signifie “Pierre de Patience” : c'est cette pierre à qui l'on raconte ses tracas, sa vie, son désespoir, ses secrets les plus intimes. Une pierre à laquelle on se confie jusqu'à ce que, saturée de secrets et de tristesse, elle explose en mille morceaux.

Une femme afghane veille son mari, ni tout à fait mort, ni tout à fait vivant. Une balle logée dans sa nuque l'a rendu fantôme, seul son souffle laisse deviner le peu de vie qui reste dans ce corps. Sa femme, à ses côtés, dans cette chambre si vide d'objets et si remplie de douleurs, le veille jour et nuit, en égrainant un chapelet, au rythme de son souffle, en murmurant les noms d'Allah…

Petit à petit, ce mari devient sa Syngué Sabour, et sa langue se délie, elle parle, elle exprime tout ce qu'elle n'a jamais pu dire, elle confie ses hontes, ses peines, ses doutes et ses espoirs, elle parle au nom de toutes ces femmes afghanes, sur tous les tabous de cette société masculine. Elle le hait, elle l'adore, elle devient folle, mais elle le soigne. Elle oublie peu à peu sa religion, elle perd son coran, elle se prostitue, et quelque part, elle se libère… jusqu'à éclater.

Ce roman, si court soit il, est rempli de sentiments et de douleurs. On respire au même rythme que cet homme presque mort, on s'emporte avec sa femme, au rythme des mitraillettes dans la ville. Le rythme, c'est ce qui m'a marqué dans ce roman-poésie, justement. Les mots sont choisis, espacés, et résonnent. On reste dans cette chambre etouffante du début à la fin. On est nous-même la Syngué Sabour, on est le corps de cette homme, qui entend tout mais ne bouge pas, à qui elle confie sa vie et son âme.

Vite lu, bien aimé, à conseiller. (Cependant méritait-il d'être Goncourt 2008 ?)