Une croissance profitable et continue se fonde sur des valeurs fortes et des pratiques adaptées.
Par Robert Aydabirian, Président d’Osiatis
PricewaterhouseCoopers vient tout juste de publier la dixième édition de son étude annuelle sur les CEO de grandes entreprises. J’en suis ravi puisque voilà désormais une autre démonstration des idées qui sont les miennes depuis longtemps et que j’essaye d’appliquer au mieux depuis dix ans à la
présidence d’Osiatis.
En quelques mots, cette étude met notamment en avant le fait que le mouvement d'externalisation des entreprises se poursuit vers un certain nombre de pays émergents dont le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine ou le Mexique. Mais, dans le même temps, cette étude fait apparaître la notion de "profit sociétal".
Les plus importants CEO de la planète indiquent ainsi que pour réussir sur le marché
mondial, une entreprise doit devenir un "citoyen global". Entendez par là que l'entreprise qui veut réussir doit avoir des valeurs citoyennes et jouer la transparence en observant des règles éthiques.
Ainsi, selon PWC, pour réussir, une entreprise doit trouver le juste équilibre entre le profit et l'éthique.
Venant de la part de PWC, ce type de conclusion se boit comme du petit lait. Nous nous accordons en effet sur l’ensemble des points suivants :
- Ce qui fait avancer une entreprise, c’est son profit
- Mais le profit n’est pas tout
- Le profit éthique vaut mieux que le profit à court terme
Pour illustrer mon propos, je suivrai l’exemple concret des délocalisations. Il faut bien le constater, elles ont aujourd’hui bien mauvaise presse. Cette perception négative va même jusqu’à déteindre sur les services informatiques, voire sur les acteurs informatiques eux-mêmes : celui qui proposera de l’offshore devra se préparer à l’opprobre.
Et c’est là une bien grosse erreur. Car ce n'est pas l'outil ou
la méthode qu'il faut blâmer, mais la manière dont il est utilisé. Et cette vision négative est clairement le résultat d'abus et d'utilisations non maîtrisées de ces outils. Nous avons tous des exemples d’entreprises utilisant l’offshoring à mauvais escient, simplement pour faire fondre des effectifs ou une masse salariale devenus trop pesants. Et une seule pomme pourrie laisse parfois croire que l'ensemble des pommes du panier l’est également.
Pourtant, l'externalisation et l'offshore sont de bons outils lorsqu'ils sont bien utilisés. Un très bon exemple est Hewlett-Packard, dont j’ai été le directeur général pour la France pendant douze ans. La société américaine avait accepté dans les années 80 mon souhait d’installer – donc d’externaliser – l’ensemble de la production européenne de micro-informatique du groupe à Grenoble. La France
devenait alors destination offshore au travers de leurs yeux.
Cette externalisation fût une réussite, apportant de la valeur à la fois à la région, mais également au groupe lui-même. En effet, en suivant ma recommandation, HP est à cette époque devenu le second acteur mondial des PC, avec l'Europe comptant pour 50% du CA du groupe.
La recommandation que j’avais alors présentée au Groupe faisait échos aux valeurs de Messieurs William Hewlett et David Packard. Elle tirait directement profit de leur éthique et de leur volonté d'associer un marché géographique à la croissance. Ainsi, contrairement à l'idée reçue du moment, installer un centre de production en France plutôt qu’aux Etats-Unis positionnait HP au sein d'une
spirale vertueuse à moyen terme.
Les entreprises qui pervertissent le système sont celles qui n’affichent pas une telle éthique. Pressées par une vision et une volonté de profits à court terme, elles cherchent des solutions ayant un impact immédiat sur leurs résultats. Rien ne les intéresse moins que l’impact à moyen terme de ces décisions. Et c’est dans ce contexte, notamment, qu’elles cèdent au chant des sirènes de l’offshore, « marketé » par certains comme une offre à bon marché permettant d’effectuer des coupes claires et rapides dans certains de leurs centres de coûts. Elles ne cherchent alors pas à impliquer ni même à protéger leur écosystème, c'est-à-dire leurs employés et partenaires. Au contraire, elles se tirent une balle dans le pied en le déstabilisant.
Encore une fois, ce n’est pas l’outil qu’il faut condamner. Pour rester sur cet exemple, l’offshore est un mode de production parmi d’autres. Employé au travers de réelles valeurs, il est un véritable atout stratégique pour l’entreprise. Mais, avant de le choisir, il faut que les décideurs en entreprise se demandent s’ils s’inscrivent ainsi dans une spirale vertueuse. Cette interrogation est nécessaire car il n'y a pas de fatalité en affaires, et le passage à la délocalisation n’est jamais une obligation : ce n’est qu’un moyen parmi d’autres … qui bénéficie sans doute d’un engouement exagéré auprès de certaines sociétés de services.
Un décideur a donc l’obligation de se poser les bonnes questions : « Quelles sont les solutions qui s'offrent à moi ? Est-ce que j'ai bien balayé l'ensemble des solutions possibles avant de faire mon choix ? Est-ce que, en faisant mon choix, je ne suis pas simplement en train de céder aux caprices de la mode ? » Présenté de manière plus simple : « Est-ce que je respecte des valeurs citoyennes en faisant mon choix ». Car, et PWC le montre dans son étude, c’est le respect de valeurs qui font grandir et renforcent les entreprises. Depuis les années 80, avant de prendre des décisions importantes j’aborde et je teste ces sujets avec mes équipes à la lumière de nos stratégies et de nos valeurs.
Parmi ces valeurs, il y a d’abord celle de la transparence qu’il est important de faire partager au sein de l’entreprise. Mais il y a aussi celle de la confiance : il ne peut pas y avoir de destin commun entre une entreprise et ses employés et partenaires sans confiance mutuelle.
La citoyenneté est une autre valeur primordiale d’entreprise. Il ne s'agit pas d'être frileux et de rester derrière ses frontières : une
entreprise doit être capable d'aller conquérir de nouveaux marchés ou de nouveaux partenaires à l'étranger. Mais il faut déployer des valeurs citoyennes dans chacun des pays dans lequel on s'installe, et ne pas venir pour uniquement profiter des populations et des richesses locales. Enfin, il y a l’éthique, comme valeur fondamentale. Cette valeur s’oppose notamment à la corruption, un mal qui interdit toute progression des entreprises et condamne la Société à la régression.
Je terminerai en citant à nouveau l’étude de PWC. Selon elle, 95% des collaborateurs de sociétés affichant une réelle stratégie de développement durable se disent fiers d'y travailler et sont prêts à recommander leur entreprise à leurs connaissances.
Mais restons du côté des sociétés de services qui vont dans mon sens et citons Ernst & Young cette fois-ci : selon elle, en moyenne, 60% de la valeur d'une entreprise s'explique par ses actifs immatériels. Voilà donc un bel exemple de valeurs d'entreprise créant de la valeur pour l'entreprise.
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