Ah oui, ça oui, il est « remarquable » cet Eric Woerth. Il a du cuir, et solide avec ça ! Faut voir comme il se défend, répond, nie tant qu’il peut, ça vous pose un homme, ça !
Oh bien sûr, ça manque de tout, à commencer par des arguments, de ceusses qui te rabattraient le caquet à je-ne-sais-quelle « gauche milliardaire » je-ne-sais-quelle « presse fasciste » et tout Saint-Germain-des-Prés. Tous ces cochons, ces bobos qui s’acharnent, chaque jour que Sarkozy ne fait plus, sur la peau, les os et tout ce qui s’ensuit de ce pauvre M. Woerth. Car oui, que voilà un pauvre homme ! Non mais rendez-vous compte ! Ce qu’il doit endurer, lui, sa femme, ses enfants, ses chevaux, vous y avez pensé, ce qu’ils souffrent et subissent ? A l’UMP, oui, on y a songé. C’est juste si l’on n’évoque pas l’honneur d’un homme « jeté aux chiens » citant les Salengro, les Bérégovoy ... Alors quoi, n’auriez-vous pas tiré les leçons du passé ?
Et l’on ne mégote pas sur le soutien inconditionnel, régulièrement appuyé, courage Eric, nous sommes avec toi ! Ah ça c’est une famille, n’est-ce pas, qui se serre les coudes jusqu’au trognon, pas comme les autres zozos, les socialistes qu’ont laissé choir le Dray comme une pauvre Swatch, ah non, nous, nous ne sommes pas de ce bois-là ! On fait bloc ! Et tout y passe ! Toutes les outrances ! On parle de « chasse à l’homme » tiens donc ! En pleine « chasse aux Roms » c’est amusant ! Ce qui vaut pour l’un ne vaut pas pour les autres ! Selon que vous serez ministre d’Etat ou misérable, ça ne varie pas, on le connaît le pénible refrain ! Même qu’on en a soupé ! Tiens, comme cet autre : le président, même simple ministre, n’est pas, à l’entendre, au-dessus des lois, mais pas en dessous non plus. En revanche pour les autres, tous les autres, gens du voyage, musulmans, enfants des cités, citoyens lambda, c’est à l’envers qu’il faut l’entendre, et ça n’est pas innocent, eux ne sont pas en dessous des lois, mais ne sont pas au-dessus non plus ! Tu la saisis, la perçois la nuance ! Elle est d’importance ! Elle est là, planquée, dans cette inversion, la stigmatisation ! Mais personne ne la relève ! A croire que ce qui crève les oreilles, ce qui acouphène, on en a cure, à commencer par ce qui nous sert de « journalistes ». Et c’est bien dommage, si désolant.
Mais je m’égare, sciemment, mais je m’égare, nous parlions de qui ?
Ah oui, de Woerth, cet homme « honnête », « remarquable » et des outrances, tel ce terme impropre, inadéquat, ô combien déplacé, dégueulasse, celui de « lapidation médiatique » et allons donc ! Je vous l’ai dit : tout est bon ! Et peu leur chaut qu’il finisse par se renier, oh si, tout de même un peu, cette lettre de recommandation au ministre de l’Intérieur, par exemple, ben oui, finalement, c’est lui qui l’a écrite et signée, mais pardonnez-lui, et mettez cet « oubli » sur le compte de cet acharnement germanopratin, ça lui fait perdre les pédales à m’sieur Woerth, sa mémoire rame et flanche, mais quand bien même, hein, où serait la faute, quel mal y aurait-il ? Vous voulez quoi ? Faire le procès du politique, de ses bizarreries, de petits arrangements entre « amis » ? Pensez-vous qu’il n’y aurait qu’à l’UMP que ça se pratique ?
Et la transparence que tu brandissais comme un étendard, coco, tu t’en souviens, de ta transparence, elle ne vaudrait plus ?
Mais oui, mais bien sûr, on l’a pigé, et comment ! tout ceci ne nous regarde pas. Ni nous, ni la justice, ni qui que ce soit ! Laissez-nous tranquilles ! Nos affaires, nos financements, nos combines, c’est juste LA vie politique. Et celle-ci est - même s’ils n’en feront jamais l’aveu - au-dessus des lois, de la justice, voire même de la République ! Oui, l’Irréprochable ! Alors tiens bon, Eric, ne lâche rien, on est tous avec toi, de Sarkozy au député d’en bas.
Mais quel suicide !
Oui, c’est un suicide ! Mais, au fond, qu’en ont-ils à foutre (de Woerth) ? Rien ! Que dalle ! C’est un soldat, une courroie de transmission, et c’est en cela uniquement qu’il est « remarquable » et « honnête ». « Honnête » avec sa famille politique.
J’parierais ma chemise, une sale qu’attend son lessivage, qu’il l’a présentée sa démission, pas celle de la trésorerie de son Parti, non, celle de son poste au gouvernement. Parce que justement c’est un soldat. Et qu’on lui a refusée. Sèchement ... Ah non, Eric, si tu démissionnes, sais-tu quoi ? tu leur donnerais raison ! Tu comprends ? Ce serait comme avouer ! Or, donc, pas question ! Avec dans l’arrière-cassis, l’idée que le type il pourrait craquer, se déballonner, en balancer une ou deux. C’est qu’il a beau être « droit dans ses bottes » l’Eric, c’est pas un Juppé, qu’ils ont évalué ... Juppé-la-tombe qui paye pour le « vieux » sans moufter ou si peu, ça, c’est pas donné à tous. Sûrement pas au Woerth !
Donc, tu restes ! On va te couvrir ! Allez hop, haro sur les Roms, c’est-y pas joli comme diversion (en même temps, n’est-ce pas toi qu’avais sonné l’alarme ?) ? Et si ça suffit pas, t’inquiète, Eric, des boucs-émissaires, c’est pas c’qui manquent ! On t’en trouve à la pelle, vu le climat, c’est de la rigolade !
Mais v’là que ça revient, comme un boomerang, des révélations comme s’il en pleuvait, mais c’est égal, ils le savaient, oh oui, qu’ils le savaient ! La question n’était pas là. Je veux dire que l’essentiel était de soutenir Woerth, de le lui faire savoir, afin qu’il se taise ; que ça devienne intenable, peu importe, c’était inévitable !
Ce qui comptait AVANT TOUT c’est que cet homme sache ô combien sa famille était, là, présente, à ses côtés ! Et quand il tombera, bientôt, demain, il saura s’en souvenir, de cet indéfectible. Il sera mort politiquement pour sa famille, parce qu’elle en a décidé ainsi, parce qu’il compte pour rien, c’est qu’un rouage, un Kleenex, un sacrifié d’avance.
Ah ce qu’il en faut, n’est-ce pas, du cuir, de l’abnégation, et tant de dévouement, impayable pourtant, monsieur Woerth ! Accepter toutes les couleuvres, fourbir toutes les armes possibles afin de reculer le moment, l’inéluctable, puisque, oui, c’est l’évidence, dans cette triste histoire de sacrifice, on a joué la montre, et pas de la petite, de la Rolex certifiée ... En échange de quoi ? Mais du silence, pardi ! dit de : fidélité. A sa seule famille.
On te recasera, va, Eric, dans quelques châteaux de Versailles, peut-être même dans un hippodrome, t’aimes ça, non, les canassons ? T’en fais pas, ton avenir, on s’en charge. Et les retraites, ma foi, si ça te dérange pas, mais tu comprends, non ? C’est le Fillon qui va reprendre le dossier. C’est mieux comme ça, Eric. Quant au procès – mais qui te parle de procès, Eric ? … Vise donc le Chirac comme on a ficelé le merdier ! Mais quand bien même, si jamais y’avait, nous serons là, avec des tas de peaux de banane, de la diversion en veux-tu, en voilà, t’auras les meilleurs avocats – nous les connaissons bien, vu que nous sommes aussi, de Copé à Sarkozy en passant par Lefebvre et Dati, DES avocats, c’est dire si on maîtrise le bazar ! – et puis, tu sais quoi ? Les gens, n’en auront rien à foutre de ce procès, alors tu vois, tu peux dormir tranquille ! Comme une lettre à la poste ça va passer, qu’on te dit ! Ils remonteront jamais jusqu’en haut ! Jamais ! D’autant plus que les autres, les socialistes, y sont morts de trouille. C’est que, c’est pas joli-joli non plus, chez eux, mon Eric, question financement, et pis regarde comme ils les bourrent, les urnes ! Suffirait qu’on balance deux-trois petits paquets à la presse, de beaux biscuits, et vlan, ils se gamelleraient copieux les zigotos ! A quelques mois de la présidentielle, tu penses bien qu’ils n’en ont pas envie, tout ce qu’ils veulent et souhaitent, c’est qu’on leur foute la paix ! Tu peux compter sur eux, va, ils t’en chercheront pas, des noises. Ils feront profil bas. Comme avec le Chirac.
Alors bonne chance Eric, nous sommes tous avec toi !
Ah oui, à ce niveau-là, je dois le dire, cet homme, monsieur Woerth est, d’une certaine façon, dans le sacrifice avant tout, tout bonnement « remarquable ».
Ça mériterait un prix.