Nous avons tous, en cas de journée harassante, une façon de nous libérer. Pour certains, c'est le yoga, pour d'autres, le judo, mais pour Gérald, ayant des troubles obsessionnels compulsifs, c'est la masturbation. (De plus, car c'est une thérapie de fin de journée surtout).
Il est vrai que quand on a subi les odeurs citronnées d'aisselles coulantes de sueur dans l'autobus dès 7 h 30 du matin, puis, que, le soir, notre chien nous fait lever trois fois du canapé pour sortir faire semblant de pisser par un moins dix degrés dehors, on a comme des bouffées de chaleur et l'envie "d'embraser" fort la terre sur la bouche. Gérald, non, il se masturbe tout simplement, comme un réflexe, une vengeance peut-être.
- N'ayez pas honte de vos TOC, Gérald ! disaient psychiatres et psychologues.
Il était heureux, car même la médecine l’encourageait à continuer.
La pire humiliation qu'il ait vécu eut lieu dans les toilettes de la médecine du travail de Clamart Alors qu'il sortit des toilettes muni de son flacon d'urine, une jeune infirmière le bouscula et de ce fait, renversa l'éprouvette qui se brisa au sol.
Que dire dans ces moments- là ? « Je vous prie de m'excuser » ? Ou bien : « Oups » ? (le « oups » ironique évidemment) Ou encore : « Je vais vous aider à le ramasser » ?
Enfin, bien avant qu'ils puissent dire un mot, c'est l'infirmière en chef revenant de la salle d'attente qui dit à Gérald :
La prochaine fois, Monsieur, vissez mieux le flacon !
Mal à l’aise, il n'osa pas demander de nouveau un verre d'eau.
Il avait déjà eu l’expérience du couple avec Karine, une jolie brune qu’il avait rencontrée chez son ami Jean-Pierre. Elle l’avait trouvé craquant avec ses petits tics et sa gentillesse innée. Il était toujours attentionné avec elle. Petit déjeuner sur plateau, le bouquet de roses du samedi sans arrière-pensées, il s’était même mis à lui cuisiner de bons petits plats diététiques, puis, à force d’attention et d’amour, l’enfer commença. Elle profita de sa naïveté pour le manipuler. De plus en plus jalouse, elle devint un Dieu narcissique pervers et harceleur, profitant de ses faiblesses en l’humiliant à chacune de leurs sorties. La petite âme pusillanime de Gérald préféra, pour lui, un bon ulcère plutôt que des scènes de ménage à répétition. Lui qui pensait qu’en envoyant de l’amour aux gens, il en recevrait, avec Karine, l’inverse se produisit. Il était devenu son jouet en attendant qu’elle en trouvât un autre.
Parfois, le midi, elle l’envoyait chercher le pain, puis dans l'escalier, elle l'entendait compter : « 1, 2, 3, 4, 5, 6...1, 2, 3, 4, 5, 6... » et il recomptait : « 4, 5, 6... 4, 5, 6... » puis décomptait à nouveau : « 6, 5, 4... 6, 5, 4... » Gérald marquait de ses doigts des groupes de six sur la rampe d'escalier jusque dans le hall. Alors, le pain arrivait parfois à quatorze heures et, sur la table du salon, dans une assiette où régnaient un morceau de fromage et trois surimis, était posé un bout de papier où il était écrit :
« Je me barre, t'es vraiment qu'un sale con. »