Eric Breteau (en pull rouge). (Reuters)
Le verdict de la cour criminelle de N'Djamena devrait intervenir demain, sans que les débats aient permis de déterminer toutes les responsabilités dans cette affaire. AFP LIBERATION.FR : mardi 25 décembre 2007
A la veille de la fin de leur procès, les six Français de L’Arche de Zoé campent sur leurs positions et n’ont pas exprimé de regrets pour la tentative d’exfiltration du Tchad vers la France de 103 enfants, que leur parents accusent l’association française d’avoir «volés».
Les avocats de la défense ont d’ailleurs annoncé qu’ils plaideraient l’acquittement mercredi, avant que la Cour criminelle de N’Djamena se retire pour délibérer.
Depuis l’ouverture du procès vendredi, comme dans les déclarations du meneur de L’Arche de Zoé Eric Breteau qui avaient précédé les audiences, la stratégie de la défense est claire. Elle a tenté de démontrer que l’association voulait «sauver» des «orphelins» de la guerre au Darfour soudanais voisin, et que ce sont les intermédiaires locaux qui ont «menti» en cachant que les enfants étaient tchadiens et avaient des parents.
Les débats ont mis en lumière les contradictions et le rôle ambigu du principal de ces intermédiaires, l’imam soudanais Souleïmane Ibrahim Adam, accusé de «complicité de tentative d’enlèvement de 63 enfants».
Il a reconnu avoir signé des documents attestant que les enfants étaient des «orphelins du Darfour», tout en affirmant qu’il savait qu’ils ne l’étaient pas et accusant l’association d’avoir «trompé (sa) vigilance».
«La remise des enfants par Souleïmane ne couvre pas l’illégalité des actes d’Eric Breteau et de sa clique», a néanmoins plaidé lundi l’avocat de l’Etat tchadien Philippe Houssiné.
A la barre, les représentants des 70 familles des 103 enfants âgés de 18 mois à 10 ans, qui n’ont toujours pas été rendus à leurs parents par les autorités tchadiennes, ont accusé «les Blancs» de leur avoir «volé» leurs petits.
Dans la foulée, leurs avocats ont réclamé aux accusés le versement d’un million d’euros par enfant pour réparer ces «préjudices incommensurables».
«Les Français étaient de bonne foi, mais ils ont, pour le moins, fait preuve d’amateurisme en faisant confiance au premier intermédiaire venu», admet une source proche de la défense.
Pour autant, Eric Breteau, bien qu’il ait reconnu que l’association avait pu être «trompée» sur l’état civil des enfants, n’a à aucun moment exprimé des regrets en direction des familles.
Principale cible de l’accusation, il a invoqué à plusieurs reprises la Convention de Genève sur les victimes de guerre pour justifier son opération d’exfiltration menée à l’insu des personnes qui confiaient les enfants. Son objectif était de «sauver au moins 1.000 orphelins du Darfour» en deux ans.
«Aucune convention au monde (…) ne dit qu’on peut remettre définitivement des enfants à une ONG», a protesté à l’audience un avocat des familles, Me Magloire Badjé.
En trois jours de débats, ni la Cour, ni les avocats n’ont jamais vraiment relevé certaines contradictions dans le discours des accusés, comme lorsque Emilie Lelouch, l’assistante d’Eric Breteau, a clamé sa certitude d’avoir affaire à des «orphelins du Darfour» avant d’ajouter que des mamans étaient venues en réclamer certains.
Selon des sources proches du dossier, la procédure judiciaire a été encadrée par le pouvoir politique. Une solution et un calendrier de sortie de crise ont été négociés dès avant le procès au niveau diplomatique entre Paris et N’Djamena, assure-t-on de mêmes sources.
La Cour criminelle a été chargée de donner un habillage juridique au scénario échafaudé «au plus haut niveau» sur la base d’une convention judiciaire franco-tchadienne: une condamnation, au moins à l’encontre d’Eric Breteau, et un transfèrement vers la France dans les jours suivant le verdict.
Par http://www.liberation.fr/