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Del Shannon - The Further Adventures of Charles Westover (1968)
Publié le 04 septembre 2010 par NovlandDe Del Shannon le béotien ne connaît pas grand-chose, principalement la scie early sixties Runaway une sacrée rengaine avec piano concave, orgue caverneux (le musitron), voix dans les limbes et tout le tremblement… un titre qui peut se révéler à la longue plus adipeux qu’addictif. Si on ajoute qu’il y a toujours le souvenir de « Vanina », cette infâme version débitée chez nous par le bûcheron batave Dave, le béotien aura peu de peine à ne pas considérer tout ça comme du petit bois négligeable. Le béotien se trompera alors, le béotien se trompe souvent, car souvent il ne sait pas… En fait, Del Shannon était un teint-idole au timbre voilé et plaintif, à la voix posée très haut (un peu à droite de Roy Orbison dans les aiguës), une voix de faux adolescent mélancolique rattrapé par l’industrie… Pour s’en persuader, le béotien écoutera les chansons, ce sont de belles preuves… That's The Way Love Is , Broken Promises des slows epleurés , des twists tristounets ... En parlant des teen-idols le béotien devrait aussi savoir que Del Shannon fut l’un des seuls à perdurer en dehors de l’usine, l’un des seuls à savoir surfer sur le tsunami Beatles. Oh pas longtemps, le temps de deux trois albums mid sixties et de quelques titres produits par Andrew « Loog » Oldham , le temps de passer à travers, comme on passe au milieu d’un tunnel d’eau ou au cœur même du cyclone, après plus rien, plus rien, que de l’écume ; de l’écume et du calme.
On se concentrant sur l’écume plus que sur le calme on pourra néanmoins distinguer du conséquent, de l’homogène voir, voyez-vous, de l’harmonieux… Cet album de 1968 par exemple… Les autres aventures de Charles Westover ; des aventures psychédéliques avec de l’acide dans la gourde afin d’être mieux rassasié par temps tiède. On sent bien que c’est un disque où Dell Shanon veut être pris au sérieux et qu’à l’instar de deux trois autres teint-idoles en mal de reconnaissance (Bobby Darin et surtout Bobby Vee…) il a bien écouté les Beatles et les Stones, qu’il n’est pas un has-been , que Timothy Leary est son ami et qu’il n’y pas plus lysergique que lui. En fait c’est un disque touchant parce que Dell Shanon n’est jamais vraiment dans son domaine, dans son territoire à lui, parce que cette pop psychédélique un peu fausse n’est en fait qu’une trame, une toile de fond qui ne s’imagine pas être à la hauteur de Sgt.Pepper's, parce que cette trame n’est même pas une imitation, mais plutôt une idée du psychédélisme (plus que du psychédélisme), sur laquelle on tisse des chansons, oui des chansons et même meilleurs que chez les majestés sataniques qui elles sont bien meilleures en mécanique et un peu surfaites en broderie…
Silver Birch et son tourbillon final comme du Berio pop, une histoire de femme abandonnée… Colour Flashing Hair des cheveux qui clignotent, des motifs de cuivres palimpsestes et en multiples couches, l'amour, l’obsession amoureuse décrite dans les lyrics, les strates de l’obsession amoureuse en fines lamelles, french orne en carpaccio… Be My Friend et son harmonica qui pleure sur un chœur gospel… River Cool surprenant comme du Love qui tournerait mal, le brouhaha d’un orgue malade… et puis deux titres : Gemini chanson pop déguisée psychédélique ou en grattant bien on retrouve l’usine, Magical Music Box sorte d’Eleanor Rigby sans le génie mélodique, mais avec tout l’attirail baroque : clavecin, quatuor à cordes et une voix si haute quelle doit être encore suspendue dans les nuages.
Ah ! oui pour en revenir à l’écume il y aura bien un autre album en 1981 Drop Down and Get Me produit par Tom Petty c’est un beau disque de Power-Pop palimpseste avec les Heartbreakers dans le fond. Ah ! oui, aussi, pour en revenir vraiment à Del Shannon, il est mort de trop de chagrin en 1990, sombre destin des faux adolescents mélancoliques, voilà.