Enfin une femme qui avoue ! Qui avoue quoi ? Ce dont les femmes se sont de tout temps défendues (mais jamais plus qu’aujourd’hui). Ce que les hommes de tout temps leur reprochaient : qu’elles ne cessent pas d’obéir à leur sang; que tout est sexe en elles, et jusqu’à l’esprit. Qu’il faudrait sans cesse les nourrir, sans cesse les laver et les farder, sans cesse les battre. Qu’elles ont simplement besoin d’un bon maître, et qui se défie de sa bonté…
Jean Paulhan (1954)
« Voilà du cul qui a du chien ! » s’est un jour exclamé, à propos de ce livre, un de mes plus chers amis, fervent admirateur – mais aussi producteur, à ses heures – de littérature, et plus particulièrement de poésie.
Il faut dire aussi qu’Histoire d’O n’est pas qu’une histoire de cul, c’est aussi – et surtout à vrai dire – une histoire d’amour. Et précisément une déclaration d’amour, du moins si on en croit la présentation qu’en fait son auteur, Pauline Réage, en introduction de Retour à Roissy, la suite du récit principal qui fut publiée 15 ans après l’original mais qui se trouve néanmoins incluse dans cette édition – et même si elle n’y ajoute rien, bien au contraire.
D’ailleurs, la préface de Jean Paulhan à cet ouvrage défend la même thèse, comme ne l’indique pas forcément l’extrait servant de quatrième de couverture et repris tel quel dans la présentation en italique ci-dessus.
Voilà pourquoi la coloration BDSM dont ce roman souffre – ou jouit, c’est selon, et peut-être d’ailleurs la même chose pour certains – ne lui correspond pas tout à fait. Ou plutôt en réduit la portée originale, et de façon considérable : Histoire d’O n’est pas tant le récit d’un abandon de soi que celui du don de soi. Hors on ne donne que ce qu’on aime – autrement on s’en débarrasse – et parce qu’on aime – autrement on flatte.
Bien sûr, un demi-siècle après, ce livre montre un aspect qui peut paraître dérangeant : le féminisme fit son chemin entretemps, qui peut amener à une mauvaise compréhension du propos de Pauline Réage.
D’où l’intérêt de lire la préface d’abord, pour savoir par avance de quoi il est question – autrement on pourrait bien abandonner la lecture de l’ouvrage avant que l’auteur en expose ses tenants et ses aboutissants dans le corps même du texte, ce qui prend toujours un certain nombre de pages : on se trouverait alors dans la situation, toujours tragique, du lecteur qui a raté une œuvre majeure pour cause d’impatience…
De par ses qualités littéraires comme par la pertinence de son sujet mais aussi par son aspect iconoclaste, en tous cas selon les mœurs de son époque, Histoire d’O est définitivement un grand livre – au moins.
Histoire d’O, Pauline Réage, 1954
Livre de Poche n°14766, mai 2007
281 pages, env. 6 €, ISBN : 978-2-253-14766-4
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