Avant de monter trop vite Blanc sur un piédestal, un rappel : Domenech a tenu six ans à ce rythme.
« Les joueurs ne me semblent pas paralysés. » La tétraplégie dans le foot est un sujet tabou, mais Laurent Blanc a décidé d’affronter ses démons. Mettre le short lui a effleuré l’esprit – « demain (vendredi), ce n’est pas moi qui vais jouer. Laurent Blanc, on s’en fout. Ce qui compte, c’est l’équipe de France » – il aurait dû, mais finalement, ça ne sera pas la peine. Visiblement l’Euro non plus, les heures sombres de l’histoire et les pénuries d’attaquants conduisent parfois à des exactions inommables.
Blanc le sait, il n’avait pas besoin de jouer : grâce à une ancienne liste récupérée dans le bureau de Domenech, il a affaire à de grands garçons qui peuvent faire le boulot sans l’aide de personne. Les mocassins noisettes attendaient depuis trop longtemps. Lloris, Sagna, Rami, Mexès, Clichy, Diarra, Diaby, Malouda, Hoarau, Rémy, Saha, Valbuena : il n’y a donc que Menez et Gameiro qui n’avaient pas eu droit aux faveurs de Domenech un soir de novembre en Lituanie. En pleine reconstruction, c’est l’heure de gagner sa place, et les absents n’ont pas forcément tort. « Les joueurs savent ce que l’on attend d’eux : un comportement, un état d’esprit… J’espère qu’ils y ajouteront des qualités footballistiques. » Desailly l’aurait mal pris.
Tous n’ont pas bien compris, et la consigne de ne pas être mauvais aurait aussi pu par exemple s’appliquer au centres de Sagna et Clichy. Blanc va bientôt les appeller Chalmé et Trémoulinas mais personne n’a encore réussi à déchiffrer cette enigme. Wenger a bien tenté de défendre Sagna en louant ses bonnes intentions, les dribbles de Clichy en pleine surface ça peut laisser l’image d’un gros nul. Radio de la gorge à l’appui, Bilic peut certifier qu’avec le temps ça s’estompe.
Atypique-assiette
Devant, c’était encore le jour de l’atypique. En Norvège, avec N’Zogbia, c’est raffiné. Mais ça interdit de s’étonner qu’un atypique ne sache pas contrôler, ni faire opposition avec son corps contre des Biélorusses. Même Jeanpierre avait prévenu : « Très bon match de Guillaume Hoarau, notamment défensivement. » Coûter un seul but pour sa première sélection parce que le marquage ça implique de courir quand l’adversaire le fait, ça s’appelle prendre date. Certainement en confiance, Hoarau a fait pareil qu’en août, ça a bien marché contre le Maccabi et Saint-Etienne. Mais en pire puisqu’il a tenté de décrocher. Pas pour emmerder Diaby et M’Vila, les apparences sont parfois farceuses. Il a mis une mi-temps à piger que Blanc lui avait interdit formellement de se servir de ses pieds, heureusement sur les touches longues il a retrouvé toute sa tête. « Spirale négative d’accord, mais on se rend compte que le plus dur dans le foot c’est de marquer des buts, et qu’en équipe de France y a pas beaucoup de joueurs habitués à le faire. » Après tant de louanges, difficile de blâmer en priorité le seul attaquant de pointe. Et puis être atypique, c’est d’abord sauter sur les touches longues. Par contre, rater une reprise seul dans les six mètres en tombant à la renverse ou écraser une balle d’égalisation aux 20 mètres, ça s’appelle Le Havre, Gueugnon, Le Havre et PSG à 26 ans.
Un jour Blanc cessera peut-être de découvrir les listes de Gasset en conférence de presse. Ce jour-là il ne pourra plus se plaindre des joueurs qu’il aura lui-même choisi. « Blaise ? Joli prénom. »