C'est la ( non) rentrée chez les impromtus littéraires avec comme thème : Et si je ne rentrais pas ?
Et si je ne rentrais pas ? L’idée me traverse l’esprit comme tous les soirs depuis plusieurs mois. Aux feux rouges, je regarde les autres conducteurs. A ma gauche, le conducteur profite de l’arrêt pour téléphoner, il sourit en observant sa dentition dans son rétroviseur. Peut-être que sa femme vient de lui annoncer ce qu’il considère comme une bonne nouvelle du style « mon chéri, je t’ai préparé ton repas favoris pour ce soir » ou alors il se réjouit de retrouver sa maitresse dans un des hôtels qui bordent le périphérique. File de droite, une femme très jeune. Vingt-cinq ans à vue de nez, elle tapote des doigts sur son volant en regardant tous les trois secondes le feu. Pressée de récupérer le petit chez la nourrice ou de rejoindre ses copines pour une soirée entre filles ? Chacun après sa journée de travail rentre chez soi. Et moi là dedans. Qu’est ce que je fiche ? J’ai un poids dans l’estomac, le trac de rentrer à la maison et d’y retrouver ma femme. Tous les jours, je me promets que le soir même je vais lui annoncer que je ne n’en peux plus de cette vie là. Que notre couple c’est du passé. Après quatre années de sentiments, je ressens de l’indifférence. Pas de haine juste ce désintérêt total froid et silencieux. Je dis juste alors que le la colère aurait été préférable. Elle m’aurait donné le courage de lui parler, de déverser ou de lui jeter à la figure tout ce qui ne va pas. Mais il n’y a pas de problème, je n’ai rien à lui reprocher. Mon épouse est charmante, attentionnée mais je ne l’aime plus. Les premiers temps, j’ai crû à un de ces creux que traversent certains couples. Mais, cette indifférence a pris de plus en plus de place. Elle m’aime tellement qu’elle pense que je suis fatigué et me conseille de lever le pied au travail. Quand elle cherche à m’embrasser je me raidis instinctivement. Au lit, c’est le pire. Je joue le jeu, quel beau salop je fais ! Oh, je me dégoûte tellement de ne pas lui dire la vérité ! Je m’invente des réunions qui n’en finissent pas, des nouveaux projets qui me sont confiés. Pour gagner une ou deux heures sur la soirée. Je m’enferme dans mon bureau en disant à me collègues que je veux pendre de l’avance sur un dossier. Personne ne trouvait ça suspect jusqu’ à aujourd’hui. Le directeur est venu me voir en me disant :
"Paul, je ne sais pas où vous en êtes de votre vie privée qui d’ailleurs ne me regarde nullement. Mais fuir vos ennuis et vous cacher au travail n’est pas une solution. C’est un conseil d’homme à homme. "
Un homme, je crois ne plus en être un mais un lâche, oui. Mince, je suis déjà arrivé devant notre maison !
Bon, j’inspire et j’expire profondément. On est vendredi, je vais lui dire ce soir. Un vendredi c’est bien, ça lui laissera le week-end pour accuser le choc. Demain matin à la première heure, je partirai. Allez, ce soir, je me jette à l’eau. Tiens, aucune lumière d’allumée.
- Catherine, c’est moi. Catherine !
- Ah mon chéri, viens là et ne dis rien. J’ai une surprise pour toi !
-Il faut qu’on parle.
-Chuutt, c’est toi pour une fois qui va m’écouter.
Catherine pose son doigt sur ma bouche et me prend la main. Elle la pose sur son ventre. Non, je commence à comprendre.Non!
Ses yeux sont remplis de larmes :
-Je suis enceinte, cette fois, c’est sûr. On va avoir un bébé.
-...
-Tu ne dis rien, oui, je sais c’est l’émotion. Oh je suis tellement heureuse ! Alors mon chéri, tu n’embrasses par ta femme adorée ?
J’ai toujours détesté les surprises…