2. – Il ne s’agit pas de demander si la pratique de l’amour libre a donné, lorsque réalisée en des natures impréparées ou inaptes, de mauvais résultats. Il ne s’agit pas de poser la variabilité amoureuse comme un facteur d’évolution du fait sexuel. Il ne s’agit pas de se demander si la monogamie ou la monoandrie est un préjugé, si la polygamie ou la polyandrie est une aberration. Nous posons la question de la liberté sexuelle comme nous posons la question de la liberté intellectuelle ou scientifique, la question de la liberté d’opiner, de se réunir ou de s’associer. Et c’est dans un esprit semblable que le problème doit être résolu. Faire une exception pour l’activité amoureuse, revendiquer, sauf dans ce domaine, la faculté pour chacun de se déterminer selon ses aspirations et ses goûts, c’est faire montre d’un illogisme indéfendable.
(…)
48. – Des individualistes, matérialistes et déterministes, disent ou écrivent que la recherche de la jouissance pour la jouissance, du plaisir pour le plaisir est un leurre, une illusion. Je n’attends rien au-delà de la tombe, je le réitère, et je ne considère ni comme un leurre ni comme une illusion : sur le bord de la mer, de contempler un coucher de soleil ; du haut d’une montagne, d’entendre monter les rumeurs de la ville ; dans un verger, de croquer des pommes à belles dents. Je ne considère non plus ni comme une illusion ni comme un leurre de sentir sur mes lèvres la pression des lèvres d’une camarade. Ma vie est trop courte – comme la tienne – pour que je renonce à saisir l’occasion de jouir qui s’offre, à la provoquer si besoin est.
Dans les années 1920/1930, l’anarchiste individualiste E. Armand a théorisé une nouvelle manière de s’aimer : la camaraderie amoureuse. L’histoire de ce mouvement éphémère et d’autres écrits d’Armand sur la liberté sexuelle sont rassemblés dans La révolution sexuelle et la camaraderie amoureuse, sorti en Avril 2009 aux éditions Zones.