Et si les commentateurs s'étaient trompés ? Jeudi matin, jour de rentrée scolaire pour 12 millions d'élèves, les bonnes nouvelles sont tombées en rafale : chômage, sondage, ... mais cafouillages ! Woerth se contredit lui-même, Baroin est contredit par Lagarde. Et l'étau se resserre dans l'affaire Bettencourt autour de Nicolas Sarkozy lui-même.
Tout va bien, vraiment ?
La cote de popularité de Nicolas Sarkozy s'améliorerait, tout comme celle de François Fillon. Dans un baromètre mensuel, celui de TNS Sofres pour pour le Figaro magazine (sic !), le Monarque retrouve ... 30% d'opinions favorables. Incroyable ! « Sarkozy en nette hausse » s'exclame le Figaro. Sept Français interrogés sur 10 se déclarent toujours insatisfaits, mais nos sémillants analystes politiques n'en ont cure. Thomas Legrand sur France inter, quoique très critique sur les statistiques quasi-ethniques délivrées par Brice Hortefeux sur la délinquance roumaine à Paris lundi dernier, nous expliquait que malheureusement cette surenchère semblait payer. Même Eric Besson a senti sa propre cote frémir de 4 points, pour atteindre ... 20% d'opinions favorables. On applaudit. Le pauvre Eric Woerth, lui, reste stable dans les bas fonds du sondage, à 16%.
Jeudi matin, Christine Lagarde publiait un communiqué triomphant : le Bureau International du Travail reconnaît enfin que le chômage baisse enfin en France (9,7% à fin août, d'après les chiffres communiqués par l'organisation). On oublierait presque que plus de 6 millions de nos concitoyens sont en recherche d'emploi ou en chômage technique.
La réalité a-t-elle changé dans la nuit de mercredi à jeudi ? Évidemment non.
Woerth avoue.. un peu
Des responsables socialistes réclament la démission d'Eric Woerth. L'hebdomadaire l'Express publie un grand dossier sur la « galaxie » woerthienne. Outre sa lettre de mars 2007 adressée au ministre-candidat Sarkozy pour demander une Légion d'honneur au fidèle donateur Patrice de Maistre, l'hebdomadaire reprend plusieurs informations sur les proches conseillers du ministre acculé. Depuis cet été, on connaissait Eric de Sérigny et Sébastien Proto. Voici Hubert Monzat, autre conseiller du ministre qui, sans gêne, est passé du cabinet de Woerth au Budget à la direction générale de France Galop, actionnaire du PMU. L'homme connaît bien le sujet. Chez Woerth, il préparait avec Proto la légalisation des paris en ligne. Ce pantouflage incroyable, aussi choquant que celui de François Pérol (ancien conseiller économique de Nicolas Sarkozy en charge du dossier bancaire au plus fort de la crise de l'automne 2008 passé avec armes et bagages à la tête des Caisses d'Epargne et des Banques Populaires début 2009, date pourtant de ... 2008. Avant cette nomination, le parcours d'Hubert Monzat était bien d'Eric Woerth. Passionné d'équitation, Monzat a traversé différentes administrations après sa sortie de l'ENA en 1982. En 1998, « de son vieil ami François Hollande », il devient Sous-Préfet de Senlis, dans l’Oise, le département d'Eric Woerth. A l'époque, il se démène pour trouver des financements pour le domaine de Chantilly et ses champs de courses. En juin 2007, il intègre le cabinet d'Eric Woerth, en tant que conseiller spécial. Un an plus tard, il remet ses recommandations au ministre, et devient, en juillet de la même année, directeur général de ... France Galop. La belle vie !
A la sortie du conseil des ministres, mercredi, les mines étaient grises et les ministres discrets. Eric Woerth est sorti encadré et protégé par quelques collègues. Sarkozy n'a pas eu un mot de soutien à l'égard de son ministre pourtant à nouveau attaqué par deux révélations le matin même. Un peu plus tard, le porte-parole Luc Chatel s'excusait : il n'a « pas l'ombre d'un doute » sur le soutien de Sarkozy à Woerth. Chatel se garde bien de confirmer que Sarkozy a demandé à Fillon, plus en grâce dans les sondages, de reprendre en main le volet politique de la réforme des retraites. Doucement, Woerth est mis sur la touche.
Le lendemain, Eric Woerth faisait comme s'il n'avait jamais démenti avoir écrit la fameuse lettre. On se rappelle ses démentis passés, quand il expliquait qu'il n'avait jamais demandé de légion d'honneur pour Patrice de Maistre. « Ce courrier vous l'avez vu, j'étais député, j'ai fait comme un simple député, c'est d'une grande banalité tout ça. »
Marianne2 révèle qu'un autre conseiller gouvernemental, David Sénat, proche de Michèle Alliot-Marie, vient de faire les frais, avant l'heure, du remaniement gouvernemental annoncé pour octobre. Suspecté d'avoir balancé à la presse, et notamment à Mediapart, quelques informations sur l'affaire Woerth. La sanction est semble-t-il tombée. Il n'est pas revenu à son poste après les vacances.
Sarkozy, mouillé ou trempé ?
Jeudi, Mediapart lançait un autre pavé dans la mare : le nom de Nicolas Sarkozy est cité dans les carnets de François-Marie Banier, le proche de Liliane Bettencourt accusé d'abus de faiblesse à l'encontre de la milliardaire par la fille de cette dernière. Le site explique que les policiers de la brigade financière ont mis la main, lors de l'une de leurs perquisitions en juillet dernier, sur les carnets de note de Banier.
Dans quelle mesure Sarkozy apparaît-il ? Mediapart écrit : « Selon des informations recueillies de sources concordantes par Mediapart, le photographe a reporté dans son journal intime, au printemps 2007, des «propos tenus» par la propriétaire de L'Oréal selon lesquels Nicolas Sarkozy aurait reçu, en pleine campagne présidentielle, de l'argent des époux Bettencourt. » Aux policiers, Banier a confirmé les faits, en précisant : « Elle ne m'a pas dit si c'était pour Neuilly, pour sa campagne ou pour autre chose. Ce n'était peut-être pas pour lui. Je ne sais pas si oui ou non elle a pu donner, il était très, très rare qu'elle me parle d'argent. Elle me disait juste que quand on a de l'argent, on vous en demande tout le temps.»
Jeudi 2 septembre, Laurent Solly, ancien directeur de campagne de Nicolas Sarkozy, était entendu par la brigade financière. Son nom a surgi dans l'affaire Woerth quand, il y a 15 jours, le Canard Enchaîné révélait qu'il avait instruit la demande de légion d'honneur de Patrice de Maistre en mars 2007 alors qu'il était au cabinet de Sarkozy ministre de l'Intérieur. Selon des sources citées par le JDD, « l’Intérieur n’avait aucune qualité pour initier une demande de Légion d’honneur à M. de Maistre, indique un ancien du cabinet Sarkozy… Son parcours professionnel relevait des finances. »
L'étau se resserre.
Cafouillage fiscal ?
Dans un courrier adressé à quelques parlementaires, François Baroin avait cru bon de reconnaître qu'une hausse des impôts serait nécessaire, mais après l'élection présidentielle. Le ministre mentionnait explicitement « l'apport de ressources nouvelles à partir de 2013, que ce soit par la suppression de nouvelles niches fiscales et sociales ou, à défaut, par une hausse progressive de la CRDS. » Or la CRDS, contribution au remboursement de la dette sociale, est justement un impôt destiné à résorber l'endettement de la Sécurité sociale. Catastrophe politique ! Nicolas Sarkozy a dû apprécier.Le président français défend becs et ongles le statu quo fiscal, même avec mauvaise foi. La réduction des niches fiscales est une forme d'augmentation d'impôt. Les proches du président, Xavier Bertrand en tête, ont eu beau jeu d'expliquer, après la réunion de Brégançon qui se conclut par un coup de rabot confirmé à 10 milliards d'euros, qu'un avantage fiscal suppose une démarche volontaire du contribuable pour en bénéficier alors qu'un impôt classique est obligatoire, l'exercice fut davantage sémantique que convaincant. Cette fois-ci, François Baroin brise un double tabou : primo, les impôts devront augmenter si l'on veut satisfaire nos engagements européens de réduction des déficits publics; secundo, la hausse devra intervenir après l'élection présidentielle de 2012. Pour saborder la crédibilité des futurs arguments de campagne du candidat probable Nicolas Sarkozy, on n'a pas trouvé mieux !
Aussitôt, la ministre de l'économie est montée au créneau soi-disant pour contredire son collègue du Budget : Il ne faut « pas d’augmentation des prélèvements obligatoires, ça alors là moi je suis formelle », car, expliqua-t-elle au micro d'Europe 1, « on est déjà champions d’Europe, il ne faut pas charger la bête. Il faut au contraire essayer de procéder au maximum par des allègements de la dépense et puis par l'élimination d'un certain nombre de niches fiscales ».
En fait, la ministre ne contredit pas véritablement Baroin, en préférant rester volontairement floue pour l'après 2012 : « Moi, j'ai un horizon qui est la loi de finances et puis, évidemment, les engagements pris par le président de la République pour son quinquennat. » A charge, ensuite, au futur candidat Nicolas Sarkozy d'expliquer comment il compte redresser les finances publiques.
Le bal des Tartuffes se poursuit..