Comme Pierrot a lancé l'idée il y a un certain temps d'ouvrir ses colonnes aux gens qui souhaitaient s'exprimer sur Wikipédia, j'en profite (en cela aidé par une certaine actualité sur Wikipédia) pour venir ici parler d'une manière d'enrichir Wikipédia qui me semble très intéressante : la traduction depuis d'autres wiki.
La traduction, débuts ...
Je suis venu à la traduction il y a longtemps ... Tellement longtemps que je pense que les étapes décrites dans le projet dédié étaient alors compréhensibles. Pour aller très vite sur ce point qui, ici, n'est pas très important, je dirai qu'à force de vouloir standardiser, on arrive à ce que la plus grande difficulté réside dans l'utilisation des modèles dédiés (déplacés, retouchés ...) que dans la traduction en tant que telle. Parenthèse fermée.
J'ai commencé, si je me souviens bien, à la traduction par un sujet relativement éloigné de mes centres d'intérêt wikipédiens, à savoir la formation territoriale de l'Espagne. Gros article, dont j'ai assuré le passage en français avec l'aide d'un contributeur hispanophone (Fergon) en provenance de la version en castillan de Wikipédia. Expérience réussie, je dois dire, tant du point de vue du résultat (j'appréhendais un peu, mon espagnol commençant à rouiller) que de la bonne entente avec Fergon sur le travail. J'ai, peu de temps après, poursuivi dans la même zone géographique avec histoire des Basques (plus de 200 contributions sur ce seul article : une difficile maîtrise de la syntaxe wiki à l'époque, conjuguée à la peur de perdre mes données). Puis, après d'autres modifications plus légères comme tous les wikipédiens font pour faire grimper leur compteur d'éditions enrichir Wikipédia, je me suis penché sur le domaine scientifique : j'ai commencé électrolyse de l'eau.
Et je n'ai pas arrêté depuis ...
La traduction, pourquoi ?
... parce que j'ai constaté, hélas, que les pages dédiées aux sciences sur la version francophone étaient souvent très mauvaises si l'on compare à la version anglophone (ou, pour la chimie, à la version germanophone). Si elles existent. Ce qui était, au début, pour moi très étonnant : je me trouvais dans une "communauté" dont une bonne partie des membres en vue étaient, à ma connaissance, de près ou de loin issus de formations scientifiques. Je n'arrivais pas (et je n'arrive toujours pas, disons-le ironiquement) à m'expliquer la mauvaise tenue générale de la version francophone sur des articles essentiels en sciences. Sauf en ce qui concernait les mathématiques (le projet dédié fut très efficace) et, dans une moindre mesure, l'astrophysique. La situation semble un peu (mais seulement un peu) évoluer en chimie et je ne me prononcerai pas sur les autres projets.
Le moyen le plus rapide de pallier ce problème était pour moi de passer par la traduction à marche forcée, non pas pour faire du chiffre (je n'ai pas une vision d'une encyclopédie exponentiellement croissante), mais pour compenser des lacunes profondes de l'encyclopédie Wikipédia. La quantité de liens rouges pointant vers des notions essentielles, d'un point de vue purement scientifique, ou historique ou encore industriel, était vraiment conséquente. Sans parler de redirections abusives ou surprenantes.
Il existe également un avantage supplémentaire, pour moi, et il s'inscrit dans un processus on ne peut plus coopératif, mais entre deux projets (ou plus) : la version francophone peut bénéficier d'un travail, voire d'une expertise, qu'elle n'a pas en son sein, ou qu'elle ne peut à un moment précis mettre en oeuvre. Cette démarche est largement et volontairement ignorée, à mon sens, au sein de la communauté des projets wikimedia francophones. Mais je digresse.
Du point de vue scientifique, la lingua franca est l'anglais. Il n'est alors guère étonnant de trouver sur la version anglophone des articles de bonne tenue, puisque les anglophones natifs se voient adjoindre les contributeurs de la branche maniant la langue (et les connaissances requises). J'ai donc pu voir et traduire des textes qui me semblaient d'un bon niveau (voire même, pour la rare fois où j'ai proposé une labelisation, un qui obtint un BA sans retouche majeure). De manière plus générale, l'expertise pouvant se trouver ailleurs, il est dommage de ne pas en profiter pour combler de véritables manques, à condition de comprendre la langue. Et puis, rien n'empêche d'enrichir un article dès que l'on dispose d'un véritable squelette (ou même parfois d'une simple ébauche).
La traduction dans un processus collaboratif, un genre d'exception ?
Dans le processus de traduction, il y a une chose que j'avoue n'avoir comprise que récemment, à la fois par réaction personnelle et en considérant un grand traducteur de Wikipédia, Gustave G. .
Le processus de traduction est, en soi, souvent assez compliqué pour qu'il se fasse directement dans l'espace concerné (donc le principal, en gros). L'intervention de tiers (sauf s'ils font partie des traducteurs) est souvent perturbante (suppression ou ajout de texte, syntaxe, etc.) quand on est lancé. J'ai donc, pour ma part, renoncé à faire mes traductions (sauf celles en un jet) directement dans les espaces dans lesquels elles iront, et également à utiliser la batterie de modèles du projet:traduction (qui, même pour un wikipédien ayant un peu de bouteille, commence à devenir vraiment lourd).
Je préfère procéder de la manière suivante.
Après avoir choisi la page à traduire, j'ouvre une sous-page de mon espace personnel (pour ne rien cacher, c'est depuis un certain temps celle-là). Je commence avec un squelette "rapide" (en général : introduction + bandeaux (portails, ébauches si nécessaire) + catégories + interwikis, éventuellement infoboxes), puis j'enchaîne par les parties successives du texte original traduites. Il va de soi pour moi, qu'il est également nécessaire de traduire les illustrations quand elles sont en langue étrangère, si cela se justifie (je pense en particulier aux schémas). Cette étape doit se faire via Commons, ce qui n'aide en rien le travail ("téléversement" de fichier, puis explication en anglais, puis catégorisation en anglais ...). Une fois le travail fini (ce qui comprend des réajustements du texte, des modèles, des ajouts de mon crû), je le déplace dans l'espace concerné (moyennant parfois une fusion, grâce à mes outils administrateurs) et j'indique les sources de traduction où il faut. Et après, la page vit sa vie d'article de Wikipédia.
Encore une fois, bien que cela paraisse, pour reprendre une terminologie assez impropre "anti-collaboratif" dans un premier temps, il n'en est rien. C'est simplement un moyen de travailler tranquillement avant d'exposer le résultat (et qu'il soit modifié). Après tout, c'est souvent ce qui se passe avant d'envoyer un article dans l'espace principal sans qu'il soit question de traduction, et rien n'empêche une traduction à plusieurs mains dans une page personnelle.
Je conseillerais d'ailleurs aux traducteurs de procéder de cette façon.
Et la traduction automatique ?
Je n'apprendrai rien à personne en indiquant éviter au maximum la traduction automatique. Tout simplement parce que même si le progrès dans ce domaine est notable (on voit apparaître des vérifications internes de traductions, par exemple), elle ne peut servir que d'appoint, au mieux. L'une des raisons est que la construction des langues est différente, tout simplement. L'anglais permet, par exemple, beaucoup d'ambiguités parfois difficiles à lever en raison de sa grammaire (non accord des adjectifs, entre autres) quand on passe au français.
Pour conclure
Bien qu'il semble évident que la traduction ne peut être l'outil exclusif de construction de Wikipédia en français (ou d'autres projets, comme Wikinews où j'ai également beaucoup traduit par le passé), elle n'en est pas moins un outil efficace et éminement "collaboratif". Elle permet même, pour peu que le vocabulaire de la langue à traduire soit un minimum étendu, que l'on possède de bons dictionnaires et que l'article ne soit pas extrêmement "technique", de fournir à Wikipédia des contenus très variés dans différents champs disciplinaires.
Mais, avec mon expérience de petit traducteur, je comprends maintenant parfaitement l'intérêt et la rareté des bons traducteurs (comme Patrick Couton, par exemple).