Toy Story 3 n’est pas un film pour enfants.
C’est ce que je me suis dit en entendant soudain brailler la marmaille des derniers rangs, qui déglutit péniblement son pop-corn avant de fondre en larmes alors même que ses héros préférés manquent d’être amputés, torturés, broyés et finalement précipités dans les flammes de l’Enfer.
Je ne nie certes pas la nécessité pour des héros dignes de ce nom d’affronter de grands et terribles dangers, mais pour les lardons sus-nommés, l’effroi commençait doucement à atteindre les bornes des limites Maurice.
Car, quelque part, Pixar a péché par excès de zèle. On peut louer, comme chez Dreamworks (Shrek), leur souci de parler aussi aux adultes à grands coups de références complices et de clins d’œil appuyés. « L’intergénérationnel »… Le gars qui a pigé ce truc-là doit avoir sa statue sur le bureau de tous les producteurs états-uniens. Mais cette fois, les rigolos de chez Pixar se sont carrément lâchés. Et vas-y sur les plans à la Hitchcock, sur les éléments de récit à la sauce La Quatrième dimension, etc.
La (longue) partie dans le jardin d’enfants, c’est presque du Romero. Avec en prime une diablerie absolue : les gentils ne sont pas gentils (et là je sens que vous commencez à avoir mal à la tête). Je m’explique : le bon gros nounours rose, le poupon dodu, le Ken™ un-peu-tarlouze-mais-quand-même-copain-de-Barbie™ : tous de parfaits salopards ! Cyniques, tordus et opportunistes à souhait, les zolis joujoux. Du coup, allez-y pour expliquer ça à un môme de quatre ou cinq ans. Bon courage.
Les personnages de Toy Story ne sont pas des ogres, des sorcières ou autres monstres repoussants. Ce sont des JOUETS. Voyez un enfant serrer contre lui son doudou, regardez-le d’un air goguenard et racontez lui comment, la nuit, pendant qu’il dort, son chiffon chéri étrangle joyeusement, jusqu’à les décapiter, tous les ours en peluche à sa portée. Maintenant observez la réaction… (Notez que l’exercice peut être drôle si le lutin n’est pas le vôtre.)
Et je ne parle même pas de cette scène où Woody, Buzz et toute la clique se résignent à mourir en se tenant tendrement par les mains. Cela m’a vaguement rappelé un autre truc tragique – « On vit ensemble, on meurt ensemble », je crois – mais je ne me souviens plus de quoi il s’agit.
Bref.
Le pire, c’est qu’on ne peut même pas accabler les parents. C’était Toy Story 3 quand même, merde, pas Antichrist (avec Willem Dafoe, le mec qui fait peur même quand il ne fait rien). On s’attend à passer un bon moment de rire et de détente quand on va voir Toy Story 3, pas à en prendre pour quinze ans de psychanalyse pour sa progéniture et une grosse boule dans l’estomac pour soi-même.
Parce que le message qui t’est destiné à toi, grand couillon d’adulte, au final, c’est qu’un jour, précisément, tu deviens un grand couillon d’adulte, méprisant tes jouets, les envoyant parfois à la poubelle, sale ingrat que tu es, alors c’est bien fait pour ta poire si on se venge en traumatisant tes mioches. Pixar, c’est le vengeur masqué des jouets oubliés !
Tout Toy Story 3 tourne autour de la séparation et fait largement vibrer la corde sensible de la nostalgie bon marché. Je déteste les séparations. Je n’ai pas détesté ce film, mais j’avais quand même un vieil arrière-goût désagréable dans la bouche et une putain de grosse poussière dans l’œil…
(Mais où est Charlie ?)