Le Divan : Le Souvenir de Jean de Tinan.

Par Bruno Leclercq

Le Divan, sixième année, n° 98, avril 1924.

Le Souvenir de Jean de Tinan

Sommaire :

Gérard d'Houville : Jean de Tinan.
Daniel Halévy : Lettre.
Tristan Derème : Petit poème.
André Lebey : Jean de Tinan.
Jean-Louis Vaudoyer : Après avoir lu « Penses-tu réussir ? »
Pierre Lièvre : En 1896.
Dussane : Ce cher Vallonges.
Emile Henriot : Le souvenir de Jean de Tinan.
Paul Leclercq : Autour des cheveux de bois.
Francis de Miomandre : Jean de Tinan contemporain.
Edmond Pilon : Jean de Tinan.
Albert Erlande : Le nom magicien.
Gilbert Charles : Tinan ou le goût de l'énergie.
Alphonse Métérié : Violettes pour Tinan trahi...
Jean de Lassus : Pour situer un peu Jean de Tinan.
Jean de Lassus : Quelques souvenirs.
G. Jean-Aubry : Sur Jean de Tinan.
Jean de Tinan : Lettre à Alfred Jarry.

En 1924, Jean de Tinan, et ses romans sont souvent considérés comme des documents (J.-L. Vaudoyer) sur une époque révolue, mais encore proche pour beaucoup. Son nom rappelle la jeunesse, les changements de moeurs et de modes (P. Lièvre). Pour ses proches, ce numéro du Divan est l'occasion de conter leurs souvenirs (P. Leclercq), et même de faire parler Tinan, comme ci il était là en 1924, de publier une de ses lettres, et de philosopher sur les bienfaits de « l'analyse » et du journal intime (1) (A. Lebey). Seul ou presque Francis de Miomandre, voit en Jean de Tinan un contemporain.

(1) Tinan tenait son journal, Lebey lance un appel pour retrouver « les cahiers reliés en percaline verte, le premier excepté, qui resta mince et plat, sous son cartonnage gris à dos noir ». La bibliographie de Jean de Tinan par Jean-Paul Goujon, Plon, 1990, indique : Cahiers 1894, journal intime inédit (collection particulière, Bruxelles).

Lettre de Jean de Tinan à Alfred Jarry

3 juillet, abbaye de Jumiège.

Mon cher Jarry,

Je crois que vous m'avez trop souvent entendu rire – et de trop bon cœur – aux aventures de Monsieuye Ubu pour que je puisse essayer de vous faire croire que je blâme « cette façon inconsidérée et futile de présenter les choses, même les plus sérieuses, sous un angle qui prête à rire aux gens mal intentionnés. » Et puis, il n'y a pas qu'à rire dans Ubu Roi.

J'ai relu hier le drame en son intégrité (avec pas mal de petits changements, et très heureux, m'a-t-il semblé). Il m'a semblé vous l'entendre lire une fois de plus – avec accompagnement du rire de Rachilde, du rire de Moréno, du rire de Fanny (1), du rire de Vallette, du rire de Schwob, du rire de Hérold et du rire de tout le monde – selon les belles sonorités de l'admirable voix du maître des phynances.

« Fort bien, monsieur, sauf la merdre ! - Eh la merdre n'était pas mauvaise ! - Chacun son goût. » J'ai trouvé, moi, une fois de plus que la merdre n'était pas mauvaise. Tous mes remerciements et bien cordialement à vous.

Jean L.-B. De Tinan.

Nous devons à l'amabilité de M. Albert de Bersaucourt, qui en est aujourd'hui le possesseur et qui nous la communique au moment où ce numéro était sous presse, de pouvoir publier ici cette lettre très probablement inédite.

(1) Fanny Zaessinger : Ernest La Jeunesse, Alfred Jarry, et les autres

Quelques souvenirs

Jean de Tinan disait, pressentant une fin prochaine : « Je mourrais le jour où le dernier ami qui m'a connu disparaîtra. »
Ceux qui aiment Tinan sans l'avoir connu, pensent qu'il leur est peut-être possible de ranimer encore la flamme...
C'est pourquoi nous remercions ici M. Maxime Dethomas du témoignage d'amitié qu'il voulut bien nous accorder en nous montrant quelques souvenirs.
D'abord un grand dessin d'Henry bataille : le portrait de Tinan, reproduit à la page de garde du premier exemplaire d'Aimienne.
Au bas du dessin est un bref poème de l'auteur de La Chambre blanche, écrit du vivant de Tinan. Les vers font allusion à cette « mort aristocratique et regrettable » qui semblait le signe déjà d'une destinée inévitable. - le large chapeau sur la tête, la canne entre les jambes, et croisant de longues mains fines, Tinan est assis à la terrasse du « Weber » ou ailleurs. D'un regard amusé, il suit les gens, il regarde passer la vie... Tel il se présente à nous et de même nous le reconnaissons dans ce projet d'une dédicace à Aimienne, plus familière et importante que l'inscription liminaire définitivement adoptée :

« A Maxime Dethomas.

« S'il faut absolument qu'un livre « veuille dire » quelque chose, mon cher Maxime, celui-ci veut dire que les agréables diversités d'amour sont des occupations charmantes pour les jeunes gens... Quos durus amor... (Si j'ai l'intention de parler des grandes passions c'est sans doute dans un autre volume...)
Mais je ne prétends, avec la plus douce modestie, qu'à vous offrir, ô jeune peintre ! Un album documentaire de croquis sentimentaux et cet album est un roman parce que la vie est un album. - Nous nous promenions amicalement ensemble, tel soir où je remarquai telle attitude, tel jour où j'entendis telle phrase... et si vous trouvez que j'ai quelquefois réussi à ce que ce soit « ressemblant » tout est pour le mieux. - Abbaye de Jumiège, juin-juillet 1898. »

suivent descriptions de manuscrits et extraits de lettres.

Le Divan, revue de littérature et d'art, paraît dix fois par an. Directeur : Henri Martineau. 37, rue Bonaparte, Paris.

Fiche BNF : 1ère année, N° 1 janvier/février 1909 – 50e année, n° 307 juillet/décembre 1958. 307 numéros. Bimestriel (1919). Dix fois par an (1910-1914). Irrégulier (1915-)


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