Lundi soir, 00h16. Je viens de mettre la dernière touche à mon billet sur Poetry, et la raison voudrait que je me glisse sous les draps, mais ce soir j’ai vu Salt. Et à peine le film se concluait-il par le panneau « Directed by Philip Noyce » que je mourais d’envie d’écrire tout le bien que je pense du film. C’est irrépressible, il est bien trop tard pour commencer à écrire mais il me faut absolument taper tout ce que je ne veux pas oublier d’ici demain.
Salt est un navet. Désolé pour la promptitude de la conclusion qui ne devrait peut-être pas apparaître avant quelques paragraphes (désolé aussi pour la fausse piste des premières lignes), mais pas la peine de tourner autour du pot sur l’appellation non contrôlée. J’aurais aimé entretenir le suspense, chercher à arrondir les angles par respect pour ce grand acteur qu'est Liev Schreiber, mais c’est inutile. Ma surprise a été telle devant Salt qu’il est futile de retenir trop longtemps mon sentiment à propos du film.
Bien sûr je n’attendais pas grand-chose du long-métrage de Philip Noyce. Mes amis me l’ont proposé, j’ai dit « Banco ! », et nous y étions. Ca sentait le blockbuster hollywoodien d’été standard, carré, efficace et sans grande surprise, et quelque part, c’est bien ce qui nous a été servi sur un plateau. La surprise, c’est que les petites mains qui ont conçu Salt ont porté le caractère standard de leur création et du genre cinématographique qu’il incarne - le film d’action / espionnage - à un paroxysme tel que le film dépasse sa condition de simple soldat faisant son job pour devenir un robot déréglé reproduisant tous les clichés du genre. Il n’y a aucune trêve dans Salt, la nullité s’invite dans chaque scène.
Angelina Jolie incarne Evelyn Salt, espionne pour le compte de la CIA de son état, qui va se trouver accusée par un russe, devant ses collègues, d’être en réalité un agent de l’ex bloc soviétique infiltré depuis son enfance aux États-Unis. Ni une ni deux, Eve (comme son collègue préféré aime à l’appeler) armée de talons hauts et d’une culotte bien utile quand il s’agit de prendre la poudre d’escampette, fausse compagnie à quelques dizaines d’agents de la CIA et prend la fuite. « Tu vois qu’elle est coupable », dit un agent du contre-espionnage au collègue préféré de Salt. « Bah non mais forcément elle a eu peur », lui répond le collègue préféré (ce fameux Liev, au passage).
Alors, coupable ou innocente piégée, la Salt ? Très honnêtement, au moment où la question est supposée se dessiner dans la tête du spectateur, j’ai déjà perdu tout intérêt dans le sujet. Evelyne est tellement forte, son collègue est tellement gentil, et ce mec du contre-espionnage est tellement borné, qu’il n’est pas difficile de deviner quel rôle chacun va jouer et quelle direction le film va prendre. La direction, puisque vous me posez la question, c’est ni-vu-ni-connu-je-t’embrouille-allez-hop un coup qu’elle est gentille, un coup qu’elle est pas gentille la Angie (fautes de français voulues ça sonne tellement bien pour Salt).
Mais quelle que soit sa vraie nature, elle court inlassablement,échappant à quelques dizaines de super agents super entraînés, bricolant des armes incongrues à partir d’objets du quotidien (nan franchement la culotte c’était osé les gars), et jamais elle ne souffle, jamais elle ne dort, jamais elle ne mange, jamais elle ne va aux toilettes la Salt. Elle est comme ça. Elle n'a pas que ça à faire après tout, il faut déjà démasquer des agents, assassiner un président, retrouver son mari, sauver un autre président, retrouver son chien… Ah non tiens, on ne sait pas si elle le récupère, son chien. Même Chuck Norris et James Bond, ils prennent le temps de faire l’une de ces choses vitales dans leurs aventures insensées.
Trêve de plaisanterie, Salt m’a beaucoup amusé car il arrive en salles un mois après Night and Day de James Mangold. Pour ceux qui ne l’auraient pas vu, Night & Day, avec Tom Cruise et Cameron Diaz, est une réjouissante parodie des films d’action / espionnage. Attention, il ne s’agit pas d’une parodie au sens ZAZ du terme. Pas d’humour poussé ou poussif, mais une lecture au second degré du genre, jouant à fond la carte de l’aventure, de l’action et de l’espionnage, mais avec un ton, un recul, et une lucidité cinématographique ressemblant à gros clin d’œil nous interpelant : « Regardez ce qu’on est capable de vous faire gober à Hollywood, c’est pas dingue ?! ». C’est drôle et ça marche, Night and Day est un véritable modèle de second degré.
Un mois plus tard arrive donc Salt, premier degré de la première à la dernière seconde, enfilant les clichés du premier au dernier plan, des personnages éculés, des dialogues sentant le réchauffé, des séquences d’action passe-partout. Plus le film avance, plus il s’enfonce, et moins il a à offrir cinématographiquement. Il ne parvient même pas à se rattraper sur la fin, il embrasse le ridicule jusqu’au bout.
Ce qui est drôle, c’est qu’il y a plus ou moins deux ans, le scénario de Salt qui circulait à Hollywood avait pour héros un homme et non une femme, et Tom Cruise devait l’interpréter. Finalement, l’acteur a préféré s’engager sur Night & Day à la place, le scénariste Kurt Wimmer a réécrit l’espion pour en faire une espionne et Angelina Jolie s’est installée dans la peau de Salt. Night & Day a subi un semi-échec au box-office américain (75 millions de dollars de recettes), lorsque Salt a passé la barre des 100 millions et s’est affiché comme un clair succès. Pourtant nul doute que Cruise a fait le bon choix.
Petite parenthèse, lorsque j’ai découvert au cours du générique de fin que le scénariste de Salt n’était autre que Kurt Wimmer, j’ai eu un sourire, découvrant là le nom du réalisateur d’un des plus mauvais films qu’il m’ait été donné de voir dans ma vie de spectateur, le magnifiquement nul Ultraviolet avec Milla Jovovich. Comme quoi, parfois, il n’y a pas de mystère.