Bien manger : huit principes sur l’alimentation et la santé
Partie 2 de 2, tiré de l'ouvrage de Colin Campbell (et remanié),
LE RAPPORT CAMPBELL, que j'ai traduit.
PRINCIPE NUMÉRO 5
L’alimentation peut substantiellement contrôler les effets adverses des substances chimiques nocives.
Dans les quotidiens, on lit régulièrement des articles sur les produits chimiques qui causent le cancer. Dans des études expérimentales, tous les
produits chimiques suivants ont été mis en lien avec le cancer : l’acrylamide, les édulcorants artificiels, les nitrosamines, les nitrites, l’Alar, les hétérocycliques aminés et
l’aflatoxine.
Il existe une croyance largement répandue selon laquelle le cancer est causé par des substances chimiques insidieuses. Les gens invoquent par exemple des préoccupations d’ordre sanitaire pour justifier leur opposition à l’injection massive d’antibiotiques et d’hormones aux animaux de ferme. Pourquoi? Parce que selon eux, la viande est beaucoup plus sécuritaire à consommer si elle ne contient pas toutes ces substances chimiques. Cependant, pour la viande, le véritable danger, c’est le déséquilibre des nutriments, peu importe qu’il y ait ou pas des substances chimiques dedans. Bien avant que les produits chimiques modernes n’aient été introduits dans nos aliments, les gens avaient aussi plus de cancer et de maladies cardiaques lorsqu’ils se nourrissaient davantage d’aliments d’origine animale.
Voici un exemple flagrant de méprise en ce qui concerne les substances chimiques et leurs répercussions sur la santé publique. Il s’agit d’une étude très longue qui a coûté trente millions de dollars et dont l’objectif était d’étudier les taux de cancer légèrement plus élevés à Long Island (État de New-York) qu’ailleurs. Apparemment, les polluants provenant de certains sites industriels faisaient augmenter les risques de cancer du sein chez les femmes qui vivaient à proximité. Mais il s’est avéré que cette étude était sans fondement.
Autre préoccupation au sujet d’un autre carcinogène, l’acrylamide. Cette substance se trouve surtout dans les aliments frits ou transformés, entre autres les chips. Si on pouvait éliminer ce produit chimique des chips, celles-ci seraient hypothétiquement sans danger pour la santé, même si elles regorgent d’huile et de sel, ce qui les rend très malsaines. Tout le monde cherche donc un bouc émissaire et personne ne veut s’entendre dire que nos aliments préférés posent problèmes tout simplement en raison de leur contenu.
Dans une étude, les effets potentiels de l’aflatoxine, une substance réputée comme hautement toxique, ont totalement pu être contrôlés par l’alimentation. Même avec de fortes doses d’aflatoxine, les rats restaient quand même sains, actifs et sans cancer si on leur donnait des aliments à faible teneur en protéines. De minimes résultats peuvent aussi faire les manchettes chaque fois qu’il est question de cancer. Par exemple, si des animaux de laboratoire ont un taux de cancer plus élevé après avoir été exposés à des doses massives d’une substance chimique, on claironne partout que celle-ci est une cause de cancer, comme ça a été le cas pour la nitrosarcosine et les nitrites. Mais, à l’instar des gènes, les activités de ces carcinogènes dépendent surtout des nutriments alimentaires que nous ingérons.
Alors, que nous apprennent ces exemples? En termes pratiques, que vous ne vous faites pas vraiment du bien en mangeant du bœuf biologique au lieu du bœuf ordinaire, qu’on a bourré de produits chimiques. Le bœuf biologique est peut-être marginalement plus sain, mais pas un choix sain. Les deux types de bœuf ont un profil nutritionnel similaire.
Il est utile de considérer ce principe sous un autre angle : une maladie chronique comme le cancer prend des années à se développer. Les substances chimiques qui déclenchent le cancer sont souvent celles qui font les manchettes. Mais ce qui ne fait pas les manchettes, cependant, c’est le fait que le processus de la maladies continue longtemps après l’initiation et qu’il peut être accéléré ou arrêté par l’alimentation au stade de la promotion. Autrement dit, c’est l’alimentation qui détermine fondamentalement si la maladie fera ses dommages ou pas.
PRINCIPE NUMÉRO 6
L’alimentation qui prévient la maladie dans ses premiers stades (avant le diagnostic) est aussi celle qui arrête ou inverse la maladie dans
ses stades ultérieurs (après le diagnostic).
Il est bon de répéter que les maladies chroniques prennent plusieurs années à se développer. Par exemple, on estime en général qu’un cancer du sein
peut avoir une initiation à l’adolescence et ne devenir détectable qu’après la ménopause! Alors, il est fort possible que bien des femmes dans la cinquantaine se promènent avec un cancer du sein
qui a commencé à l’adolescence et qui ne sera détecté qu’après la ménopause. Bien des gens déduisent fatalement de cela qu’il est impossible de faire quelque chose à ce moment-là. Est-ce que cela
veut dire que ces femmes devraient se mettre à fumer et à manger du poulet frit à grande huile juste parce qu’elles semblent condamnées? Que faire vu que bien des gens abritent déjà dans leur
corps une maladie chronique qui a été initiée mais ne se déclarera que dans des décennies?
Un cancer qui est déjà initié et en progression chez des animaux de laboratoire peut être ralenti, arrêté ou même inversé par une bonne alimentation. Fort heureusement, il en va de même avec les humains, et ce, à tous les stades de la maladie. Chez les humains, une alimentation végétarienne faite d’aliments complets peut inverser le cours d’une maladie cardiaque, aider les gens obèses à perdre du poids et les diabétiques à laisser tomber leur médicament et à retrouver la vie normale qu’ils menaient avant le diabète. Les recherches ont aussi prouvé que le mélanome avancé, cette forme fatale de cancer de la peau, pouvait être atténué ou inversé par des modifications du mode de vie.
Il semble bien entendu que certaines maladies soient irréversibles. C’est pour cette raison que les maladies auto-immunes font le plus peur. En effet, dès que le corps se retourne contre lui-même, il semblerait qu’on ne puisse pas l’arrêter. Et pourtant, étonnamment, même certaines de ces maladies peuvent être ralenties ou atténuées par l’alimentation. Une recherche a signalé que même les gens atteints par le diabète de type I pouvaient réduire leurs médicaments en se nourrissant des bons aliments. Il y a aussi des preuves comme quoi la polyarthrite chronique et la sclérose en plaques peuvent être ralenties par l’alimentation.
Quelques grammes de prévention équivalent à quelques kilos de guérison. Et plus on mange les aliments justes tôt dans la vie, meilleure sera la
santé. Mais que ceux déjà atteints d’une maladie n’oublient pas que l’alimentation peut encore jouer un rôle crucial!
PRINCIPE NUMÉRO 7
Une alimentation qui est vraiment bénéfique pour une maladie chronique sera bénéfique pour la santé en général.
Toutes les maladies nommées ci-dessus ont des traits communs. En raison de ces points communs impressionnants, il tombe vraiment sous le sens qu’une
seule et même alimentation saine engendre la santé et prévienne en général toutes les maladies. Même si une alimentation végétarienne à base d’aliments complets traite plus efficacement les
maladies cardiaques que le cancer du cerveau, vous pouvez être certain que cette alimentation ne favorisera pas une maladie tout en en arrêtant une autre. Cette alimentation ne sera jamais «
mauvaise » pour vous. Elle ne pourra donc que vous aider sur tous les fronts.
Alors, il n’existe par de formule différente et accrocheuse pour chaque maladie, seulement un type d’alimentation. Le rapport entre l’alimentation
et la santé peut être très simple et cela aide à faire le ménage dans l’incroyable confusion publique. Cela revient simplement à dire que vous pouvez maximiser votre santé et contrôler les
maladies quelles qu’elles soient avec une seule et même alimentation.
PRINCIPE NUMÉRO 8
Une bonne alimentation génère la santé dans tous les domaines de notre existence puisque tout est interconnecté dans la
vie.
On fait un grand battage ces temps-ci sur la « santé holistique ». Ce concept peut vouloir dire bien des choses différentes pour différentes
personnes. Bien des gens regroupent tout ce qui est « médecines douces » sous ce concept. C’est pour cela que le terme holistique peut désigner l’acupression, l’acupuncture, les plantes
médicinales, la méditation, les suppléments vitaminiques, la chiropraxie, le yoga, l’aromathérapie, le Feng Shui, le massage et même la thérapie par les sons.
La santé holistique est un concept valide en autant qu’elle ne reste pas une expression accrocheuse qui désigne n’importe quelle discipline non conventionnelle et souvent non confirmée. L’alimentation et la nutrition, par exemple, sont de première importance pour notre santé. Manger est peut-être le contact le plus intime que nous ayons avec notre monde. C’est un processus au cours duquel ce que nous mangeons devient partie de notre corps. Mais d’autres éléments sont importants, entre autres l’exercice physique, la santé mentale et émotionnelle, et le bien-être de notre environnement. Il est important d’intégrer ces éléments à notre concept de santé vu qu’ils sont tous en corrélation. C’est cela un concept holistique.
Ces corrélations deviennent évidentes avec des expériences faites avec des animaux. Les rats nourris avec des aliments à faible teneur en protéines ont non seulement été épargnés par le cancer, mais ont également eu moins de cholestérol, plus d’énergie et faisaient spontanément deux fois plus d’exercice que les rats nourris avec des aliments à haute teneur en protéines. Pour ce qui est du niveau plus élevé d’énergie, les gens qui ont le plus d’énergie sont ceux qui mangent le mieux. Cette synergie entre l’alimentation et l’activité physique est extrêmement importante et prouve que ces deux éléments de la vie sont indissociables. Une bonne alimentation et de l’exercice régulier donnent plus sur le plan de la santé quand ils sont combinés que séparément.
Nous savons aussi que l’activité physique a un effet sur le bien-être physique et émotionnel. On a beaucoup parlé de l’effet de l’activité physique sur les diverses substances chimiques de notre corps, qui à leur tour affectent notre humeur et notre concentration. Et quand on se sent mieux émotionnellement et mentalement, on a la confiance et la motivation qui permettent de se nourrir très bien, ce qui vient boucler la boucle. Ceux qui se sentent bien à leur propre sujet sont probablement ceux qui respectent leur santé en s’alimentant bien.
Parfois, les gens essaient de faire jouer ces différentes parties de leur vie les unes contre les autres. Ils se demandent s’ils ne peuvent pas par exemple compenser leurs mauvaises habitudes alimentaires en faisant du jogging. La réponse est non. Les bienfaits et les risques inhérents à l’alimentation sont d’une importance cruciale et beaucoup plus mesurables que les bienfaits et les risques liés à toute autre activité. Par ailleurs, pourquoi voudrait-on essayer de contre-balancer risques et bienfaits si on peut n’avoir que des bienfaits? Les gens se demandent aussi si un bienfait pour la santé, tel qu’ils le perçoivent, est dû à l’exercice ou à une bonne alimentation. En bout de ligne, la question est simplement académique. Le fait est que ces deux sphères de notre vie sont intimement interdépendantes. Il est essentiel de retenir que tout fonctionne de concert pour déterminer si notre santé est bonne ou mauvaise.
Qui plus est, il s’avère que si nous mangeons ce qu’il y a de mieux pour notre santé, nous voyons en même temps à la santé de la planète. En nous nourrissant d’aliments complets d’origine végétale, nous utilisons moins d’eau, moins de terre, moins de ressources, nous produisons moins de pollution et occasionnons moins de souffrance aux animaux. John Robbins a fait plus que n’importe qui pour amener cette question à la conscience des Américains. Je vous recommande de lire son plus récent livre The Food Revolution.
Nos choix alimentaires ont un incroyable impact non seulement sur notre propre métabolisme, mais également sur l’initiation, la promotion et même le
renversement des maladies, sur notre énergie, sur notre activité physique, sur notre bien-être émotionnel et mental, et sur notre environnement. Toutes ces sphères apparemment distinctes sont en
fait intimement liées. La santé se tisse dans un incroyable canevas, des molécules aux gens, en passant par les autres animaux, les forêts, les océans et l’air que nous respirons. Et oui, c’est
la nature qui est à l’œuvre, du microscopique au macroscopique.
Qu’est-ce que ça peut faire, de toutes façons?
Il ne faut pas sous-estimer l’applicabilité de ces huit principes, ni négliger leur capacité à réduire la confusion publique qui règne sur le lien
entre l’alimentation et la santé. Les modes du jour, les dernières manchettes et les résultats des plus récentes études doivent être replacées dans un contexte utile. Point besoin de faire un
bond chaque fois qu’une substance chimique cancérigène est découverte, qu’un nouveau livre de régime est mis en marché ou qu’un grand titre annonce à cors et à cris que l’on peut guérir les
maladies avec la recherche génétique.
Disons-le simplement, nous pouvons relaxer, respirer à fond et nous caler dans notre fauteuil. Nous pouvons aussi mettre en œuvre la science de manière plus intelligente et poser de meilleures questions parce que nous disposons d’un cadre sensé qui établit un lien entre l’alimentation et la santé. Nous pouvons également interpréter les nouvelles découvertes en fonction d’un plus grand contexte. Et grâce à ces nouveaux résultats, nous pouvons améliorer ou modifier notre cadre de travail original et investir argent et ressources là où il faut pour améliorer la santé de la société. Les bienfaits inhérents à la compréhension de ces principes sont vastes et profonds, autant pour les individus que pour les sociétés, les animaux ou la planète.