En revenant… (Charles Vildrac)

Par Arbrealettres


En revenant…

Elle disait en revenant :

- Ce n’est pas le sujet dont nous avons parlé :
Nous bavardions sans but comme des étrangers
Qu’on a laissés ensemble…

Ce ne sont pas non plus ses façons avec moi :
Il était avec moi comme avec tous les autres.

Mais je le sens, je le sais,
Sûrement, entre nous deux,
Quelque chose est commencé !
Sûrement, c’est aujourd’hui,
- Car me voici trop contente -
C’est aujourd’hui ce départ
Que j’attendais, que j’attendais !

Elle disait aussi : Mais non …
Je suis folle, je me trompe ;
Il n’y a aucune raison…

Enfin elle disait : Je veux savoir !
Oh ! que bientôt je le revoie !
La prochaine je serai
Comme lorsqu’on a cru entendre
Un bruit léger, un bruit caché
Et qu’on retient longtemps son souffle
Et qu’on s’applique à «écouter…

Lui se disait
- Elle aurait pu causer avec tant d’autres…
Et c’est avec moi seul qu’elle est restée.

La fois prochain, en lui parlant,
Je la regarderai dans les yeux
Et je profiterai d’un moment
De silence pour lui sourire.

Vint le jour d’une autre rencontre ;
Mais vraiment tout agit contre eux :
Elle, fut captive d’un autre.
Lui, fut entouré, cerné.

Des gens s’amassèrent entre eux
Comme un bois entre deux chaumières,
Les empêchant de se rejoindre
Fût-ce avec les yeux…

En revenant, chacun disait :
Que je demeure donc avec ma tristesse
Et ma pauvreté !

Je m’étais trompé, il n’y avait rien.
Rien que le hasard et que mon attente.

Il n’y avait rien , se disait-elle.
Que la politesse.
Il n’y avait rien, se disait-il,
Que ma fatuité.

(Charles Vildrac)

Illustration