Déceptions spatiales

Publié le 31 août 2010 par Toulouseweb
Les Etats-Unis ŕ la recherche d’un souffle nouveau.
L’administration Obama éprouve les pires difficultés ŕ trouver le ton juste en matičre de programmes spatiaux. L’euphorie des premiers hommes sur la Lune s’est évaporée, Apollo n’a pas eu de suite, la station spatiale internationale n’a pas trouvé de véritable raison d’ętre. Dans le męme temps, de nouveaux prétendants sont apparus, notamment la Chine, et le leadership américain a commencé ŕ ętre sérieusement contesté Cette situation est étonnante en męme temps qu’inattendue.
On comprend d’autant mieux que les Américains commencent ŕ exprimer regrets et déception, et cela ŕ en dehors de tout clivage politique. D’autant que quelques-uns des esprits les plus critiques se trouvent dans le camp des démocrates et ne peuvent ętre soupçonnés de vouloir s’en prendre indirectement au locataire actuel de la Maison blanche. C’est, dans une large mesure, une question de fierté nationale et, en męme temps, de rang ŕ tenir. S’y ajoutent des considérations économiques, le risque de perdre du terrain au plan des technologies de pointe et, in fine, la perspective de dégâts irréparables au cœur de l’industrie spatiale.
Des voix influentes, trčs respectées, se font entendre depuis le renoncement au programme Constellation, sorte d’Apollo revu et corrigé, qui s’annonçait tout ŕ la fois peu ambitieux (toutes proportions gardées) et excessivement coűteux. D’autant qu’il est politiquement délicat de promouvoir la conquęte spatiale en ces temps de récession, de rigueur et de contraintes budgétaires tous azimuts.
L’Aerospace Industries Association of America, AIA, s’en émeut. Et elle applique une méthode gučre en vogue en Europe, une grande pétition adressée aux élus, véhiculée par Internet, intitulée ŤSupport America’s Space Programsť. Le texte, relativement court (1) rappelle bien involontairement l’époque oů il était difficile de Ťvendreť les budgets spatiaux ŕ une opinion incrédule et ŕ des politiciens peu intéressés par des investissements ŕ trčs long terme. Aucun d’eux ne pouvant espérer ętre réélu en proposant de soutenir une exploration spatiale devant déboucher 20 ou 30 ans plus tard.
L’enjeu, du point de vue américain, est d’importance en męme temps qu’il se pręte ŕ de solides envolées lyriques. Les Etats-Unis sont encore les leaders incontestés du secteur spatial et se doivent logiquement de maintenir cette suprématie. Ce n’est pas vraiment une question de moyens (ils sont disponibles) mais de stratégie. Cela tout en prenant en compte des retombées économiques importantes, les bienfaits d’avancées technologiques de premier plan et leurs innombrables retombées, y compris au plan politique. Et c’est bien lŕ que le bât blesse : pas de grand dessein, pas de défis majeurs ŕ l’image de ce que fut l’homme sur la Lune, rien d’exaltant qui pointe ŕ l’horizon. Cela sans que l’on sache si c’est la seule NASA qui est en panne d’imagination. La réalité est certainement complexe en męme temps qu’elle est imparfaitement analysée.
On retrouve ainsi une faiblesse dont souffre précisément l’Europe. Les citoyens attendent des programmes spatiaux une part de ręve, de beaux défis, de grands exploits et, de temps ŕ autre, juste ce qu’il faut de grands frissons. En d’autres termes, un autre Apollo, tout en superlatifs
Ce sont précisément quelques grands anciens d’Apollo qui donnent de la voix en espérant susciter un sursaut. Il s’agit principalement de Neil Armstrong, qui fut le premier astronaute ŕ fouler le sol lunaire et d’Eugene Cernan, le dernier homme ŕ avoir marché sur la Lune (Apollo 17). Est également intervenu James Lovell, rescapé d’Apollo 13, dont chaque apparition rappelle une histoire difficile vécue par des hommes courageux, une aventure qui a ému l’opinion et, paradoxalement, a contribué ŕ valoriser davantage la saga Apollo.
Aujourd’hui, nombre de citoyens américains sont agacés par la tournure des événements. Le formidable lanceur Saturn V n’a pas de successeur, la navette spatiale va bientôt prendre le chemin du musée, seuls les Russes seront alors en mesure d’assurer la liaison avec la station. Ensuite, ce sera au secteur privé de prendre du service, sur des bases commerciales. Et de quels objectifs parle-t-on pendant ce temps-lŕ ? De NEO, Near Earth Objects, astéroďdes parfois minuscules, qui devraient un jour recevoir la visite d’astronautes, certains pas avant 2046. C’est-ŕ-dire tout le contraire des aspirations des citoyens.
Nous serions américains, sans doute signerions-nous immédiatement la pétition de l’AIA. Entre-temps, observateurs en męme temps que partenaires de l’Amérique spatiale, nous nous devons d’exprimer étonnement, incompréhension et déception.
Pierre Sparaco - AeroMorning

(1) Action.aia-aerospace.org