A
u nom de la fameuse concurrence libre et non faussée, l’Union européenne, relayée par le Parlement, via la loi sur la Nouvelle organisation du marché de l’électricité, dite loi NOME, en cours d’examen, s’apprête à faire flamber le coût de l’électricité au seul bénéfice des fournisseurs d’énergie. Un coup tordu que le Gouvernement s’apprête à faire passer en douce à la rentrée pendant que les Français seront mobilisés sur la question des retraites. La revue « Que choisir », dans son dernier numéro, alerte les consommateurs sur le scandale que représenterait le vote de cette loi. Qu’elle en soit remerciée !
La Commission européenne a toujours vu d’un très mauvais œil le maintien en France de tarifs réglementés pour l’énergie, inférieurs à ceux du marché libre. Concurrence oblige. Car ladite Commission refuse de prendre en compte les raisons historiques qui ont conduit à ce que l’électricité produite en France soit la moins chère d’Europe. Pourtant, ce n’est que la juste contrepartie du financement par des fonds publics du programme nucléaire qui produit 83% de l’électricité française. « Les contribuables ont payé dit « Que choisir » ; ils assument depuis les risques inhérents aux installations nucléaires de production d’électricité et de retraitement du combustible. En échange, ils sont alimentés par un kilowattheure (kWh) qui coûte moins cher à produire que s’il était obtenu par une énergie fossile ou renouvelable. C’est ce qu’on appelle la rente nucléaire. EDF la restitue depuis toujours aux usagers. En Europe, les consommateurs français sont les seuls à en bénéficier ». Cela n’est que justice sociale. Et c’est cela qui est insupportable pour l’Europe, aiguillonnée par les lobbies des fournisseurs privés d’énergie.
La loi NOME s’apprête à mettre bon ordre dans tout cela. Le bon ordre libéral, cela va de soit. EDF va devoir céder 25% de sa production d’électricité à ses concurrents. C’est ce que le texte de loi appelle « accès régulé à l’électricité nucléaire historique ». Mais là où se situe le problème, c’est sur le prix de cession du mégawatheure que devra appliquer EDF. Le but non avoué de la loi est que les fournisseurs privés d’énergie puissent faire des profits, ce qui avec les tarifs réglementés actuels ne leur est pas possible et leur est intolérable. La loi NOME, si elle était votée, conduirait à mettre en place un dispositif particulièrement alambiqué – pour faire passer la chose, il est nécessaire de l’embrouiller pour la rendre incompréhensible au plus grand nombre – qui reviendrait dans la pratique, selon l’analyse qu’en fait « Que choisir », à transférer l’avantage de la rente nucléaire des consommateurs aux fournisseurs d’énergie. Rien moins que cela. On comprend mieux à présent pourquoi Pierre Gadonneix, l’ancien président d’EDF, réclamait une augmentation des tarifs de l’électricité de 24% étalée sur trois ans. Demande qui lui a coûté son poste. Depuis, en termes plus mesurés mais qui reviennent au même, le nouveau président d’EDF, Henri Proglio, l’homme aux deux casquettes, lui a emboîté le pas et réclame un prix de vente du quota des 25% aux autres fournisseurs qui ne soit pas inférieur à 42 euros le mégawatheure, contre 31 euros pour le tarif régulé actuel.
La politique sarkozyste qui consiste à faire payer les plus modestes continue donc de plus belle en dépit de la crise, au profit des amis de la bande du Fouquet’s. Car le principal bénéficiaire de cette loi NOME serait sans aucun doute le groupe GDF Suez dans lequel le belge Albert Frère, l’ami-patron du président, possède une solide participation et l’a aidé à sa privatisation. CQFD.
Reynald Harlaut
Parti de Gauche