Malaise au gouvernement: les silencieux, les lâches et les collaborateurs

Publié le 01 septembre 2010 par Juan
On commente beaucoup les remous causés par le discours de Grenoble, les expulsions de familles Roms et les surenchères sécuritaires qui se succèdent. La réaction des ministres dits d'ouverture et/ou « figures » de la diversité a été particulièrement scrutée. En ouvrant l'université d'été de l'UMP, François Fillon a demandé à ses ténors d'éviter les « états d'âme » en public.
Au sein du gouvernement, on peut distinguer trois camps : les silencieux, les lâches et les collaborateurs.
Silencieux
On attend toujours la réaction de Rama Yade. La grande gueule du gouvernement, un peu secouée par ses bourdes en cascade lors de la Coupe du Monde de football en juillet dernier, la secrétaire d'Etat aux Sports se tait. Sa seule intervention publique depuis juillet fut un communiqué de presse pour rendre hommage à l'ancien cycliste Laurent Fillon quelques minutes après l'annonce de son décès mardi midi.
Valérie Létard, centriste raccrochée au ministère du développement durable de Jean-Louis Borloo, est aussi inexistante que d'habitude. Sans doute a-t-elle gouté les propos d'Hervé Morin, ministre de la Défense et président de son parti le Nouveau Centre, qui, dimanche, a fustigé les amalgames et le tournant sécuritaire pris par le gouvernement auquel il participe depuis juillet dernier.
Jean-Louis Borloo, autre figure soi-disant centriste du gouvernement, s'est bien gardé d'intervenir.
Lâches
Certains silencieux de l'été se sont réveillés, guettés par des journalistes en meute à l'affut des premiers commentaires. Bernard Kouchner, lors de son discours aux ambassadeurs la semaine dernière, fut le plus emblématique de ceux-là. Jeudi dernier, il s'est contenté d'une dénonciation des amalgames de toutes sortes. Lundi matin, il a franchi un pas, sémantique : « Comment faire pour y remédier ? En démissionnant, j’y ai pensé ». Et d'ajouter : « C’est important de continuer. S’en aller c’est déserter, c’est accepter. »
A l'Elysée, un conseiller anonyme a confirmé au Parisien/Aujourd'hui en France que Sarkozy et Kouchner s'étaient ensuite parlés : « Oui, il y a eu des échanges téléphoniques avec le chef de l’Etat, mais le fait que Bernard réfléchisse et choisisse de rester montre qu’il accepte la politique menée. Il n’y a pas de problèmes avec lui. On connaît son parcours, on sait qu’il est différent des autres. »
Fadela Amara a exprimé, très rapidement, son trouble en marge d'une visite de lycée la semaine dernière. Mais, dit-elle, « Quand on pense à démissionner, on démissionne. » Mardi, elle s'est permise un large entretien dans les colonnes du Monde, pour se démarquer très clairement des déclarations de ses collègues Hortefeux et Besson, ... mais pour mieux confirmer qu'elle reste au gouvernement ! « Je suis une fille d'immigrés et je ne l'oublie pas. Je n'accepte pas que, dans mon pays, on mette les gens comme moi, d'origine étrangère, dans une situation d'insécurité juridique. »  a-t-ell expliqué, pour ajouter : « J'estime devoir me soumettre au principe de la solidarité gouvernementale parce que j'ai une politique à défendre pour les quartiers, parce que je suis convaincue que les banlieues constituent une partie de l'avenir de la France. » A l'instar de Jean-Marie Bockel (cf. infra), elle se réfugie derrière le soutien, qu'elle espère intact, de Nicolas Sarkozy. L'allégeance individuelle au monarque, voilà sa survie intellectuelle du moment.
Son collègue à l'emploi, Laurent Wauquiez, voulait faire valoir une voix sociale au sein de la droite. Mais sur le sujet sarkozyen du moment, pas de commentaire. Cet été, il s'est montré dans des agences de pôle emploi, car « on ne choisit pas l'emploi ou la sécurité. » Le commentaire est bien mince. Rapporteur du projet de l'UMP pour 2012, avec Nathalie Kosciusko-Morizet, il restait toujours étrangement silencieux dans les colonnes du Figaro quand on l'interroge sur cette démarche... à croire que l'urgence sécuritaire décrétée par Nicolas Sarkozy en juillet dernier n'avait pas sa place !
Collaborateurs
Plus collaborateur, Jean-Marie Bockel, secrétaire d'Etat à la Justice lutte pour sa survie politique. Cet été déjà, il avait confié sa conviction d'être toujours au gouvernement après le remaniement. Il s'accroche à la micro-mission que lui a confié, cinq jours après le discours de Grenoble, son patron de président au sujet de la prévention de la délinquance des jeunes et à son entretien d'« une petite demi-heure » le 2 août avec Sarkozy lui-même (sic !). Il tient, déjà, une conférence de presse sur le sujet ce mercredi.
Eric Besson, lui, n'est plus depuis longtemps un ministre d'ouverture. Dirigeant de l'UMP, l'ancien socialiste a allègrement franchi toutes les marches du sarkozysme extrême. Un temps débordé par l'activisme de son collègue Hortefeux au début du mois d'août, il a tenté de faire entendre une musique légèrement différente, en émettant publiquement des doutes au sujet de l'extension de la déchéance de nationalité pour les cas de polygamie et d'excision. Mais lundi, il s'est largement rattrapé dans la surenchère. Il tenait une conférence de presse commune avec Brice Hortefeux, où il énonça trois propositions législatives, dont la création d'un nouveau motif d'expulsion, la mendicité aggressive. Un peu plus tard, il s'est exprimé dans le Talk Figaro/Orange.
« Il n'y a pas de Roms, il y a des Roumains et des Bulgares en situation irrégulière.» Par cette phrase, déjà prononcée l'après-midi même avec Hortefeux, Besson tente de parer aux critiques contre la stigmatisation des gens du voyage. Autre précision : « je ne voudrais pas qu'on surjoue l'opposition entre Brice Hortefeux et moi. »

Crédit illustration: Libération du 31 août 2010