Après un mois d’août 2003 sous la canicule et un été 2009 agité par la menace de pandémie grippale, l’été 2010 a lui aussi eu droit à son feuilleton sanitaire : la proposition par Roselyne Bachelot de création de « salles d’injections pour les toxicomanes ». Ce dernier épisode est cependant demeuré bien plus discret que les deux crises précédemment évoquées. En effet, en cette fin de mois d’août, il a semblé bien difficile de faire émerger un débat sur un sujet qui ne traite pas des thématiques de sécurité et d’immigration.
Longtemps repoussé, plusieurs fois supputé, le remaniement qui doit amener le Président-candidat Sarkozy aux portes de l’élection présidentielle devrait avoir lieu à l’automne. Cet agenda, joint aux réductions des effectifs ministériels et à la mise en place des équipes de la future campagne présidentielle, permet d’expliquer cette dernière sortie de la Ministre ; une geste qui ressemble à un coup de poker pour conserver un poste dna sle nouveau gouvernement.
Figure forte de la droite française depuis une décennie, Roselyne Bachelot appartient à une « dynastie angevine » puisqu’elle a succédé à son propre père comme député des Pays de la Loire en 1988. Ministre de l’Ecologie et du Développement durable dans les gouvernements Raffarin I et II, elle a joué un rôle important au cours de la campagne présidentielle de 2007 ; des efforts récompensés par sa nomination au Ministère de la Santé, de la Jeunesse et des Sports dans le gouvernement de François Fillon, son voisin et ami politique. Dans un style proche de celui qui l’a nommé, elle a su se constituer une popularité solide et demeurer aux portes du top 5 du gouvernement Fillon depuis avril 2007 : Avec exactement 50% d’opinions positives en moyenne selon l’Ifop ; elle se positionne seulement quelques points derrière les Kouchner, Yade, Borloo, Amara et Alliot-Marie.
Dans l’exercice de ses fonctions, la Ministre a également du composer avec des Secrétaires d’état novice-gaffeur comme Bernard Laporte ou particulièrement remuante comme Rama Yade. La cohabitation avec cette dernière a d’ailleurs souvent défrayé la chronique au point de provoquer plusieurs réactions de Matignon et de L’Elysée. Stabilisée entre 50% et 60% d’opinions positives pendant 27 mois, la Ministre a connu un premier coup dur à l’été 2009 : de 56% d’opinions positives en septembre 2009 à 40% en mars 2010. Cette séquence fut donc particulièrement dévastatrice pour la Ministre du point de vue de l’opinion publique.
Un sondage publié dans l’hebdomadaire Le Point et réalisé par l’Ifop a indiqué à ce sujet que 69% des Français estimaient que le gouvernement avait surestimé la menace et qu’il avait commandé trop de vaccins. Sans doute influencé par les scandales sanitaires précédents, Roselyne Bachelot avait décidé et assumé la décision de faire prévaloir le principe de précaution ; les Français s’en souviendront longtemps !
En plus de ce désaveu public, la Ministre du faire face aux reproches de Matignon ainsi qu’aux mises en cause du Parlement. En effet, après six mois d’enquête, le Sénat, l’OPECST et l’Assemblée nationale, chacun réunis en commission, rendirent un jugement à charge contre le gouvernement et la Ministre concernée. Qualifiés « d’incompétents », les parlementaires ont même pointé du doigt une « gestion douteuse et des relations frôlant le conflit d’intérêt avec les grands laboratoires ».
Pourtant, malgré cette crise, François Fillon a conservé sa Ministre, conscient du besoin de stabilité pour la majorité et son gouvernement. De plus, il a sous doute estimé qu’il serait disproportionné de réserver à Roselyne Bachelot « la préventive » le même sort que celui de Jean-François Mattei « le fantôme » de 2004.
Enfin, L’épisode Equipe de France, bien que mal géré par les différentes autorités compétentes (Equipe, Entraineur, Fédération) n’a semble-t-il pas fragilisé d’avantage la Ministre, mieux, la cote de popularité de cette dernière a effectué un rebond : +4 points entre juin et juillet 2010.
L’apaisement du printemps et l’approche du remaniement de l’automne ont néanmoins conduit la Ministre a tenté un nouveau « coup » en préconisant la mise en place de salles d’injection pour des toxicomanes.
Cette initiative, vivement saluée par l’opposition, les praticiens et quelques poids lourds de droite a été plutôt mal reçu par plusieurs parlementaires et in fine par Matignon. Le Premier Ministre a ainsi jugé cette proposition « ni utile, ni souhaitable », précisant du même coup que « la priorité de Matignon est de réduire la consommation de drogue, non de l’accompagner, voire de l’organiser ». Quelques jours plus tard, c’est Xavier Bertrand qui a clôturé ce débat en se déclarant « vraiment opposé ». N’en jetez plus, la coupe est pleine !
Alors que l’ouverture à gauche a été minimisé lors du dernier « ajustement ministériel » et que le virage idéologique à droite a été pris à grande vitesse au cours de l’été, cette proposition – dont la gauche s’est félicitée – a pu en surprendre plus d’un sur les bancs de l’UMP.
Le coup de poker qui visait à consolider le regain de popularité constaté depuis deux mois pourrait sonner la fin de l’aventure ministérielle de Roselyne Bachelot dès cet automne. Comme cela avait été le cas en 2004 lorsqu’elle avait été écartée du gouvernement Raffarin III en 2004, l’amie de F. Fillon pourrait quitter le navire pour venir gonfler les équipes de campagnes de l’UMP.
A n’en pas douter, les locataires de l’avenue Duquesne regarderont avec impatience la cote de popularité de Roselyne Bachelot dans le prochain baromètre Ifop ; espérant ne pas constater une incidence trop grande de cette polémique sur la popularité de leur Ministre.