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Il faut bien, hélas, un jour, redescendre.
Dans l'ardeur solaire du pays d'en bas,
Les yeux restent fixés sur le vol majestueux de l'aigle…
*
Car c’est descendre vraiment que plonger aux entrailles moites du monde.
Parfums doux de gasoil sur le bitume omniprésent,
Folle course menée vers l’illusoire et le futile,
Rien qui ne soit en accord avec l’harmonie profonde de la vie.
*
J’écrivais plus haut vouloir travailler, non au mieux être mais au mieux vivre.
Œuvrant ainsi j’ouvre les portes d’un paradis perdu : celui de l’enfance et de l’innocence.
Triste constat qui accompagne mes pas, mes yeux voient un monde qui n’autorise ni erreur, ni faiblesse, qui n’accorde pas la moindre importance à l’enfance.
Alors tout se met en œuvre pour rompre avec cet état heureux qui permet à nos progénitures d’ouvrir des pupilles ébahies sur tout ce qui bouge et s’émeut.
Pleurer de joie ou de tristesse, rire aux éclats l’instant d’après sans autre soucis que d’exprimer au dehors les flots impétueux qui s’accumulent au-dedans.
Nul ne songe à critiquer l’enfant, mais qu’un adulte se mette à rire aux larmes, à en verser quelqu’une devant le triste spectacle de ce monde rigidifié, voilà la honte et l’anathème jeté !
Il ne se fait pas de se prendre à pleins bras, de laisser voir en public la tendresse ou l’affection.
On cache alors l’essentiel, et, celui-ci muré, on feint de s’étonner de la violence rentrée en chacun d’entre nous.
Mais c’est plus fort que nous tant l’habitude d’errer en ce désert d’émotions est omniprésente.
Tabou le baiser esquissé, taboue la main amicale posée sur l’épaule affaissée, tabou le geste de compassion ou la main tendue en signe sauveteur.
*
Ce temps est un temps pour réinventer la grâce.
Ce temps est un temps pour revenir au plaisir bu à tous pores,
Allongé dans un pré, non loin des rives bruissantes où meugle le torrent,
Fermer les yeux et accueillir le doux parfum de bonheur naïf et espiègle
.
C’est une autre vie que celle-ci
Que chacun cherche désespérément
Ou, subrepticement, s’accorde
Au détour d’une vacance
Juste parenthèse posée
Au front aveugle des jours ordinaires
Manosque, 27 juillet 2010
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