Laurent Fignon venait d’avoir 50 ans. Depuis deux
ans, depuis qu’il se savait atteint d’un cancer, il luttait contre la maladie
avec la même pugnacité que celle déployée lorsqu’il était coureur.
Il avait
promis à tous que la maladie allait être vaincue, qu’il allait redevenir le
Fignon qu’on connaissait et non le Fignon affaibli, les traits tirés, toujours
en état de fatigue et la voix cassée.
Laurent Fignon, à la fin du mois de juillet était encore derrière le micro de France Télévisions pour donner son message, pour expliquer la stratégie cycliste, pour donner du piment aux retransmissions. Parfois, son verbe n’était pas apprécié. Il s’en moquait. Il n’avait pas la langue dans sa poche et aimait à défendre publiquement ses convictions ...
Il aimait la plaisanterie. Il aimait railler ses proches pour s’amuser. Ceux-ci lui pardonnaient bien volontiers ce qui n’était pas considéré comme un excès verbal mais comme un amusement.
Dans son livre autobiographique, Laurent Fignon explique qu’il a croqué à pleines dents, presque avec gourmandise et jouissance, sa vie de coureur cycliste. Mais parce qu’il était très dur avec lui-même, comme avec les autres d’ailleurs, il a volontairement occulté les longues séances d’entraînement auxquelles il s’est astreint pour atteindre le niveau qui fut le sien.
Le cyclisme pour Laurent Fignon était celui de l’attaque. Il a remporté ses courses les plus belles en se portant à l’offensive. Pas une offensive pour faire plaisir à ses directeurs d’équipes successives mais une véritable offensive, celle qui marque l’histoire du cyclisme. Durant le dernier Tour de France, il était irrité de voir Contador et Andy Schleck respecter un pacte de non-agression jusqu’aux abords de l’arrivée sous prétexte que les deux coureurs étaient d’abord des amis. « L’amitié, disait-il, ne peut exister lorsqu’on est rivaux et que l’on tend vers le même but ».
Le public a sans doute oublié ses deux victoires dans le Tour de France, ses deux victoires dans Milan-San Remo, sa victoire dans le Tour d’Italie pour ne retenir que sa défaite par l’écart infime de 8 secondes lors de la dernière étape du Tour de France 1989. Ce jour-là, il avait ému la France, prostré sur la chaussée des Champs-Elysées, réalisant qu’après être allé au-delà de sa douleur, il venait de perdre le Tour. Le président de la République d’alors, François Mitterand, avait lui aussi été ému puisque le lendemain un courrier présidentiel parvenait au domicile de Laurent Fignon.
Cette défaite a provoquée chez Laurent Fignon un déclic. Pendant de longues années, lui le Parisien, a évité de passer par les Champs-Elysées. Durant de longues années encore il a évité Greg LeMond, son vainqueur, et surtout sauf une étape du Tour à Mulhouse il n’a plus remporté de grandes et belles épreuves.
La carrière de Laurent Fignon s’est arrêtée officiellement en août 93. En réalité elle s’est brisée un dimanche. Le dimanche 23 juillet 1989 sur les Champs-Elysées.
Jean-Paul