Je reviens sur une fort intéressante information sortie dans « Les
Echos » de la semaine dernière.
Entre un papier sur la décevante reprise américaine et un autre sur la
plateforme de trading électronique CHI-X qui aurait reçue une offre d’achat, ce
journal nous livre une information susceptible d’intéresser même le plus obtus
des anticapitalistes.
L’information concerne le Fonds de pension gouvernemental norvégien qui,
comme son nom l’indique, fait partie de ce que l’on appelle les « Fonds
souverains ».
A ce niveau de mon billet, j’en entends déjà qui commencent à marmonner dans
leur barbe quelque chose du genre : « ouh là ! Un Fond
souverain ! De quel horrible méfait ce suppôt du capitalisme immoral
(pléonasme) s’est il, encore, rendu coupable ! »
Il faut avouer que les fonds dit « souverains », comme d’ailleurs tous
les gros fonds d’investissement n’ont pas une excellente réputation. Ils sont
perçus comme de redoutables prédateurs sans foi ni loi que celle du profit ou
pire encore comme le bras financièrement armé d’états aux motivations douteuses
!
Ce n’est pas nécessairement toujours faux mais, malgré tout, ce n’est pas
pour l’accabler mais, au contraire, pour exprimer mon approbation vis-à-vis
d’une décision de ce fond là, que je reprends cette information des
Echos !
L’information la voici : Sur les recommandations de son conseil
consultatif sur l'éthique, le fonds norvégien a viré trois sociétés de son
portefeuille, une de Malaisie et deux d'Israël. Le Fonds justifie sa décision
d’exclusion de la Société Malaisienne, Samling Global, en expliquant que cette
entreprise forestière exploite illégalement des forêts du Sarawak (Malaisie) et
du Guyana, leur occasionnant des dommages environnementaux irréversibles
!
En ce qui concerne les Sociétés Israéliennes, celle-ci sont accusées de
construire dans les Territoires occupés !
Et il ne faut pas croire que ce type de décision est exceptionnel, le Fonds
Norvégien n’en est pas à son coup d’essai !
En 2008, je relevais déjà que ce même fonds avait soldé toutes ses actions
des sociétés Hanwha Corporation (coréenne), Serco Group (britannique) et
GenCorp (américaine). La première parce qu'elle fabrique des bombes à
sous-munitions (à ce propos je recommande le soutien à la campagne d’Handicap
International contre les BASM) et les deux autres parce qu'elles
participent à la maintenance ou à la fabrication d'armes nucléaires.
De manière plus générale, l’article des Echos nous informe que depuis 2002,
c’est près d'une cinquantaine de valeurs qui ont été exclues de son
portefeuille, comme des conglomérats miniers pour cause de pollution, des
vendeurs de mort comme les fabricants d'armes ou …. de tabac.
Même l'américain Wal-Mart s'était fait sortir en 2006, parce qu’accusé
« des violations graves et systématiques des droits de l'homme et des
droits des employés ».
Pour ceux qui n’auraient pas lu les quelques lignes que je lui avais
consacré il y a 2 ans, je rappelle que ce Fonds a la particularité de disposer
d’un Conseil d’éthique …influent !
Pas un Conseil d’éthique en toc, comme on peut en trouver un peu partout ou
comme pouvait l’être feu le Secrétariat aux Droits de l’Homme de Rama Yade,
c'est-à-dire une espèce de potiche que l’on exhibe fièrement pour se donner
bonne conscience ou pour faire croire à des clients naïfs que l’éthique est une
préoccupation de tous les jours et que l’on planque dans un placard à balais
dès que des intérêts financiers sont en jeu !...non, un conseil d’éthique qui
est régis par une chartre, qui se réfère à des textes, à des lois pour
justifier ses exclusions de manière circonstanciée …Un conseil d’éthique qui
peut très bien exclure une société chinoise comme une société américaine ou
anglaise et surtout un Conseil d’éthique dont les préconisations sont suivies à
la lettre !
A une époque ou les actionnaires sont accusés d’être les profiteurs sinon
les instigateurs d’un système qui n’a d’autre préoccupation que la recherche
d’un profit toujours plus conséquent et quel qu’en soit le prix social,
écologique ou humain, il est agréable de savoir que l’un des plus importants
d’entre eux (8.500 participations d'une valeur de 455 milliards de dollars)
introduit l’éthique comme critère essentiel dans ses décisions
d’investissement.
Certes, le concept de fonds éthique existe depuis plusieurs années et
ceux-ci se sont multipliés avec plus ou moins de bonheur, mais celui-ci par sa
dimension (2ème fonds souverain au monde), par la transparence et par la
rigueur qui préside à ses choix mais également parce qu’il a le soutien affiché
du Gouvernement Norvégien (C’est le ministère des Finances Norvégien qui est
décisionnaire et qui annonce les exclusions) mérite d’être montré en exemple au
monde entier. Cet exemple démontre que capitalisme et morale ne sont pas
nécessairement incompatibles.