Il y a cinq ans, le 30 août 2005, alors que je rentrais du travail, mon épouse m’attendait au portail. Elle avait passé quelques jours auparavant une mammographie, et elle voulait m’annoncer, hors la présence des enfants, que la tumeur détectée était cancéreuse.
Il a fallu digérer la nouvelle.
Il a fallu l’annoncer aux enfants, qui avaient alors 18, 16 et 13 ans.
Puis ce fut l’hospitalisation, une première puis une seconde opération.
Les séances de chimiothérapie, qui étaient plus ou moins bien supportées, les rayons, la chute des cheveux, la douleur au niveau de la cicatrice qui mettait un peu de temps à consolider.
Pendant toute cette période, l’amour qui nous unissait était devenu autre, par rapport aux formes qui était les siennes avant, mais peut-être plus fort. Il y avait peut-être plus de tendresse qu’avant.
Les hauts et les bas de l’évolution, ainsi que la tension perpétuelle déclenchèrent chez moi un zona très douloureux qui dura plusieurs mois.
Des personnes que nous considérions comme des amis, des parents aussi, nous évitèrent. Des connaissances devinrent de véritables amis qui, depuis, ne nous ont jamais fait défaut.
A la demande de mon épouse, nous n’avons jamais parlé de maladie, nous avons toujours parlé de cancer. Elle refusa de porter une perruque, préférant un turban ou, à la maison, restant nu-tête.
Nous nous sommes aimés, nous avons douté et pleuré, nous avons espéré et ri. Pendant des mois, ce fut une succession de moments joyeux et douloureux.
Puis les médecins déclarèrent qu’elle était guérie.
La ménopause a été provoquée et ce n’est pas sans conséquence sur la libido.
Elle a perdu toute notion de goût, ne faisant plus la différence entre le sucré et le salé, entre un excellent foie gras et une terrine plate….
Nous avons cessé de voir les personnes qui ont eu peur de la contagion, nous passons d’agréables moments avec tous ceux qui sont restés avec nous et que nous ne remercierons jamais assez.
Pour les médecins, le cancer a été vaincu, et mon épouse est guérie.
Pour les assureurs, en cas de couverture d’un crédit, ce n’est malheureusement pas le cas, et des interrogatoires et surtaxes pénibles ravivent la douleur et donnent l’impression d’être handicapé, alors que les séquelles de la maladie sont tout-à-fait sans conséquence vitale. Il vaut mieux pour ces gens-là être alcoolique et drogué que guéri d’un cancer.
Je souhaite bon courage à tous ceux qui, aujourd’hui, se battent contre un cancer ou toute autre maladie, et leur dis haut et fort que pour vaincre la maladie, il faut d’abord admettre sa réalité, ne pas la nier, et rester fort et volontaire face à elle, même si ce n’est pas toujours facile.