Le panache. Rien ne me vient d’autre à l’esprit après la disparition de Laurent Fignon. Je crois que nul n’a pu durant sa carrière ou sa courte vie le taxer d’inertie face aux événements. Et surtout pas face à la maladie qui le rongeait depuis plus d’un an. Fignon a combattu le cancer, qu’il avait révélé publiquement en 2009 dès que les médecins l’avaient décelé. Sans larmoyance, en faisant front.
Sa voix chevrotante, presque inaudible, lors du dernier Tour de France où il officiait comme consultant sur France 2, m’avait frappé, attristé, tant la faiblesse semblait s’échapper de sa bouche. Mais très vite, on avait senti que l’ancien double vainqueur du Tour était dans son truc. Que la maladie ne prendrait pas le dessus sur son âme pendant ses heures de travail. Et que le sens de l’humour lui servait de mur contre le mal.
Une voix d’outre-tombe, un discours désespérément vivant !
Je me fous finalement du palmarès de Fignon. Son attitude, digne, me plaît beaucoup plus. Le garçon n’était pas avare de vérités dans un monde aux mensonges si épais. Cela aussi mérite le respect. Toujours lors de ce Tour 2010, il me revient ses mots en toute fin d’une étape où les coureurs n’avaient en quelque sorte pas respecté leur sport, ou tout du moins pas dans le sens que lui entendait : « Ah, ce foutu cyclisme moderne… Je ne sais pas, mais moi, là, j’aurais attaqué… » Il l’aurait sûrement fait. Il l’avait fait d’ailleurs. Perdant parfois, triomphant souvent.
«Le panache, n’est pas la grandeur, disait Rostand à propos de son oeuvre majeure Cyrano de Bergerac, mais quelque chose qui s’ajoute à la grandeur, et qui bouge au-dessus d’elle (…) le panache c’est l’esprit de bravoure. (…) Plaisanter en face du danger c’est la suprême politesse, un délicat refus de se prendre au tragique ; le panache est alors la pudeur de l’héroïsme, comme un sourire par lequel on s’excuse d’être sublime(…) ». Laurent Fignon, c’était sûrement Cyrano en selle.