La question, d'importance, n'est toujours pas tranchée par la faculté. Mais une chose est presque unanimement entendue, la formation canadienne compte actuellement parmi les plus excitantes de la galaxie rock à voir-écouter sur scène. Sa venue, dimanche soir au festival Rock en Seine, dans l'herbe du Domaine de Saint-Cloud, en a offert une nouvelle preuve.
On les avait quittés humide en juillet 2007 lors du concert de clôture des Eurockéennes de Belfort. Trempé par des cieux déchaînés sur le final de leur set, mais surtout essoré par l'intensité de leur prestation incendiaire. Même motifs, même situation dans le domaine de Saint-Cloud, hier, en clôture du festival francilien.
Après une heure d'un déluge de cordes qui s'est abattu aussi soudainement et brutalement que la crise des subprimes sur Wall Street, Arcade Fire (et son leader Win Butler, photo AFP) a été contraint par les éléments de quitter la grande scène – et les 35.000 spectateurs sous hypnose avec – pour cause de bourrasque pluvieuse qui commençait à inonder dangereusement leur champ de jeu. Avant de revenir pour un ultime morceau (Wake Up) joué quasiment acoustique après quelques minutes de pause, quand la pluie a eu la bonne idée d'en faire une, elle aussi.
Malheureusement, beaucoup de spectateurs, inévitablement conquis par le set mais peu optimistes météorologiquement parlant sur la suite des événements, s'étaient déjà fait la belle. Les malheureux.
Auparavant, les sept membres du commando mélodique avaient donné le concert que tout le monde attendait. Juste idéal. Equilibré entre les morceaux phare des trois albums des Canadiens - dont leur dernier The Suburbs, sorti début août – et les titres moins évidents. Virevoltant comme un tourbillon, énergique comme un bataillon qui donne l'assaut. D'une joliesse joliment mélancolique aussi.
Dévastateur et lyrique sont autant d'adjectifs qui collent à l'intensité scénique de la meute emmenée par l'Américain Win Butler, dont la ferveur du chant n'a d'égale que sa justesse et sa richesse harmonique. Cela va en mécontenter plus d'un, mais non, on ose l'affirmer: la pose n'appartient pas à la grammaire d'Arcade Fire. La générosité, oui. Tout comme la simplicité. A condition d'accepter de l'admettre alors que tout invite à clamer l'inverse.
Un constat qui tranche singulièrement avec le show prétentieux et ennuyeux – non, ces adjectifs ne sont pas gratuit, tout comme, on peut le dire sans grand risque de se tromper, leur venue – de Bryan Ferry (photo AFP) et de ses camarades de Roxy Music. Alors qu'on se faisait une joie de recroiser sur scène l'icône dandy des 80's et ses tubes imparables d'alors (Avalon, More Than This, Slave To Love, Jalous Guy...), sur lesquels pourtant on ne compte plus les râteaux essuyés en soirée, on a quitté déçu la scène de la cascade.
A la décharge du sexagénaire britannique, il est évident que la dimension cabaret de sa musique, de sa formation et de la scénographie en place (intimiste et feutrée, pour ne pas dire désormais gentillement datée) ne cadre pas vraiment avec l'ambiance dissipée propre au genre festivalier du début XXIe. Partant, on mesure aussi le chemin qui sépare les icônes rock des années 80 de la scène actuelle.
Mais on nous a appris à respecter les anciens. Ca nous arrange. On s'en rapproche chaque jour davantage.