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Je vous retranscris ici le reportage de Pierre Martin-Razi paru ce mois ci dans Subaqua sur les formations recycleurs proposées par Aquadomia.
Dans la série nos reporters se mouillent, Pierre Martin-Razi a suivi un stage de formation sur recycleurs Inspiration et Evolution d’Ambient Pressure Diving.
Une bonne occasion de mesurer les mutations de la plongée sous-marine, ses nouvelles tendances, les immenses avantages des recycleurs à circuit fermé
et… leurs quelques inconvénients. Reportage.
En 2007, la plongée avec recycleur à circuit fermé et gestion électronique
(aussi appelé CCr pour Closed Circuit Rebreather) est entrée
à la FFESSM. En janvier de cette année-là, lors du Salon de la plongée
de Paris, une convention a en effet été signée avec Martin Parker, le
pdG de la fi rme britannique Ambient Pressure Diving (Apd) qui produit
les recycleurs Inspiration et Evolution, deux modèles de plus en
plus fréquemment rencontrés sur le pont des navires. Faisant suite à
cette convention, en novembre de la même année, une ”Qualification
recycleur à circuit fermé et gestion électronique de la PpO2” a
été incorporée au Manuel du moniteur par la commission technique
nationale. Depuis, naturellement, les choses ont (modestement) pris
de l’ampleur…
Soyons francs. Malgré tous les efforts fédéraux, et jusqu’à ces derniers
mois, la nature m’ayant généreusement doté d’un métabolisme
peu gourmand (en O2 précisé-je…), je n’avais pas vu l’intérêt de ces
CCr qui m’apparaissaient alors comme des… usines à gaz. De même,
l’investissement à la fois fi nancier et technique qu’ils représentent me
laissait plutôt dubitatif. Fort de cette conviction bien arrêtée et comme
bon nombre de vieux briscards formés à tout ce qui fait des bulles, j’ai
donc repoussé l’objet à l’extrême limite, si j’ose dire, de mon champ
d’aspiration. ”Mouais… pensais-je… Des trucs qui vous font remonter
le ventre en l’air, bon pour les obsédés de la technique, les accros
du run-time, les timbrés du bail-out !” Comme quoi, on le sait depuis
Musset, il ne faut jurer de rien…
À deux occasions rapprochées, le hasard m’a fait plonger en binôme
avec un équipier muni d’une telle machine… La première fois sur le
Donator, la seconde au large de Galéria, en Corse avec, pour chacune
des plongées, des balades un peu prolongées autour de 45 m dans
une eau claire mais pas très chaude… Si
l’autonomie n’a jamais été un problème,
force est malgré tout de constater que
mon ordinateur affichait une bonne vingtaine
de minutes de paliers quand ceux de
mes collègues se contentaient d’un petit
cinq minutes. De plus, le froid commençait
à me tenailler alors que mes compagnons
s’épongeaient le front d’une sueur
exquise (c’est une image : en clair et entre
nous, je me pelais, eux rigolaient…). Ce
genre de constat, quand il est à votre
désavantage,
engage à une
salutaire réflexion.
Enfin,
et c’est peutêtre
ce qui a achevé de me convaincre :
les utilisateurs de ces machines du troisième
millénaire affichent un tel enthousiasme
qu’il est bien difficile de résister à
leurs arguments et, pour tout dire, leur
prosélytisme. Soit. Essayons… C’est ainsi
que l’on se retrouve à suivre une formation
d’un nouveau genre, pendant une
semaine de décembre alors qu’il gèle à
pierre fendre, dans une rade de Marseille
balayée par le mistral… Brrr !
Une formation incontournable
Comme il est dit dans les bons ouvrages,
l’objet du présent article n’est pas de se
substituer à un formateur. D’ailleurs nous
ne ferons que survoler une machine qui
exige une attention soutenue et, à notre
sens, des dizaines de plongées régulières
pour être maîtrisée. Non. Nous voulons
simplement laisser voir ce que nous avons
découvert, laisser entendre ce que nous
avons aimé et avouer ce que nous avons
un peu moins aimé. Moteur.
Contre toute attente, le schéma d’un recycleur,
fut-il fermé et à gestion de PpO2
électronique, n’est pas très compliqué.
Conception et réalisation ne souffrent en
revanche pas la moindre approximation,
le choix des composants aucune médiocrité.
La machine, comme c’est le cas des modèles
fabriqué par Adp, Inspiration ou
Evolution (essentiellement différenciés
par leurs volumes en gaz et en chaux,
la gestion électronique baptisée Vision
étant désormais la même), est généralement
constituée de cinq éléments principaux
qui forment une boucle sur laquelle
vient se greffer le plongeur :
• Un premier faux poumon souple en
amont du plongeur contient le mélange
respiratoire ad hoc. C’est le sac inspiratoire,
positionné sur la partie gauche de
la poitrine.
• Un tuyau annelé conduit le mélange au
plongeur qui respire normalement.
Les utilisateurs des Ccr
affichent un irrésistible
enthousiasme…
• Le gaz expiré, appauvri en O2 et chargé de CO2, passe grâce
à un autre tuyau annelé dans un deuxième poumon en aval du
plongeur. C’est le sac expiratoire, positionné sur la partie droite
de la poitrine et équipé d’une purge/soupape de surpression.
• Une cartouche (également appelée canister) est intercalée entre
les deux sacs respiratoires. Elle contient de la chaux sodée qui
possède la propriété de fixer le gaz carbonique.
• À la sortie de la cartouche de chaux sodée, en amont du fauxpoumon
inspiratoire, trois analyseurs d’O2 redondants (seules
les deux mesures les plus proches sont prises en compte, ce qui
autorise une panne de l’un des trois capteurs pendant la plongée…)
envoient les infos à un ordinateur principal (un second
ordinateur, identique, sert de contrôle et de substitut en cas de
dysfonctionnement du premier). Fort de ces infos, l’ordinateur
pilote une électrovanne montée en aval du détendeur 1er étage
d’un bloc d’O2 afin d’ajuster le mélange respiré à la PpO2 désirée.
De plus, le faux poumon expiratoire dispose d’un système manuel
d’injection d’O2.
Il n’y a pas de deuxième étage de détendeur, les sacs en faisant
fonction. La circulation est simplement assurée par la respiration
du plongeur car toute la boucle est en équipression avec le milieu.
Peut-on imaginer plus simple ?
Des éléments indispensables
À ces composants basiques viennent s’ajouter quelques éléments
indispensables :
• Un bloc de diluant. Celui-ci est rempli d’air dans le cadre du
stage d’initiation dans la zone 0-40 m. Cet air peut être remplacé
par du trimix pour une utilisation entre 50 et 100 m… Cette seconde
utilisation fait évidemment l’objet d’une formation spécifique.
Notons que le bloc de diluant permet le gonflage du gilet
intégré au recycleur ainsi que celui d’un éventuel vêtement sec.
En cas d’utilisation de trimix, un bloc dédié à l’équilibrage est
alors prévu. Précisons également qu’il est fortement déconseillé
d’utiliser un diluant non respirable (hélium pur par exemple) pour
une évidente raison de sécurité car ce bloc est aussi celui du bail
out, le scaphandre ouvert de secours. Enfin et pour les plongées
très techniques, il est possible d’utiliser deux diluants différents
avec possibilité de by-pass…
• Un système automatique d’ajout de diluant (déconnectable)
ainsi qu’un injecteur manuel de diluant sont connectés au fauxpoumon
inspiratoire.
• La stab intégrée déjà évoquée dispose d’un inflateur faisant
également office de détendeur de secours.
• Des alarmes visuelles, à fibres optiques, sont positionnées sur
l’embout buccal et tombent directement sous le regard. Un ”buzzer”
double ces alarmes.
• L’embout buccal est équipé de soupapes “aquastop” et d’un
mécanisme de fermeture étanche manuel en cas de lâcher d’embout.
L’eau ne doit en effet pas pénétrer en trop grande quantité
dans le circuit sous peine de réagir avec la chaux sodée et de
produire des choses plutôt caustiques et pas terribles pour les
poumons… Des pièges sont prévus pour parer cette éventualité.
Grâce à eux, les recycleurs tolèrent plusieurs décilitres d’eau dans
le circuit avant que n’apparaissent les premiers problèmes. De
quoi rassurer les inquiets et piéger les inévitables émanations de
vapeur d’eau liées à la respiration.
• Des manomètres permettent de connaître l’état de remplissage
des bouteilles.
Avant la plongée
Munis d’un impressionnant manuel, les stagiaires découvrent par
le menu l’appareil avec lequel ils vont évoluer dans la mer jolie.
Démontage, remplissage du canister, remontage, vérification des
pressions et du gaz, tests d’étanchéité. Les procédures sont rationalisées
et doivent être effectuées avec méthode et rigueur.
Des poches à plombs (notamment celle du dessus de la machine)
permettent de répartir le lestage. Compter 2 à 3 kg supplémentaires
par rapport à un lest correspondant à un 15 l acier. Peutêtre
un peu plus au début…
La gestion de l’appareil est donc électronique. Elle se compose
de deux contrôleurs C1 et C2 totalement indépendants, y compris
en termes énergétiques. La console-bracelet se porte au poignet
gauche. Il nous est impossible de développer ici toutes les
possibilités de l’appareil qui sont immenses. Disons pour résumer
qu’avec un recycleur à circuit fermé, la question n’est pas de savoir
si l’on a de quoi respirer mais plutôt ce que l’on respire !
Les plongeurs qui ont un peu de bouteille ont évidemment compris
que tout l’intérêt de l’engin consiste à respirer un mélange
suroxygéné (mais pas trop) pour limiter la saturation et optimiser
la désaturation. Seulement, et notamment près de la surface,
augmenter le taux d’oxygène implique une ouverture fréquente
de l’électrovanne, un gonflage du faux poumon et donc des problèmes
d’équilibrage… Ce qui fait éviter les plongées avec paliers
en début de formation. Pour limiter ces inconvénients, l’appareil
dispose de deux ”set points” programmables, un pour la descente
et la remontée, un autre pour le fond. Ces set points sont
d’ordinaire prévus à 0,7 et 1,3 bar. Sur le Vision, le passage est
automatique mais peut être effectué manuellement.
Lors de la mise en marche de l’appareil, volontaire avant la plongée,
un contrôle automatique des données est effectué. Les différentes
opérations à réaliser avant la mise à l’eau défilent au gré
des écrans successifs. L’appareil exige également un étalonnage.
Signalons en passant qu’un bargraphe permet de connaître l’état
de saturation en CO2 de la chaux sodée.
Bon… Force est de constater (et d’admettre…) que les débuts sont
un peu déroutants !
La descente impose le canard. La sensation d’un faux-poumon vide
demande de la maîtrise (il faut insuffler du diluant manuellement
mais attention à l’équilibre !) et l’absence de poumon-ballast interdit
les déplacements verticaux. On choisira donc de contourner
un obstacle plutôt que de passer par-dessus, sous peine de devoir
purger le faux poumon et perdre du diluant, voire modifier la PpO2
qui devra être réajustée…
On le devine, les premières plongées sont occupées à gérer, premièrement,
un déroulement normal de la plongée (contrôle des
volumes, des paramètres…) et bien sûr, deuxièmement, les ennuis
possibles : montée du taux d’O2, diminution du taux d’O2, chaux
noyée, aide à un équipier… Un aficionado de l’appareil m’a affirmé
qu’il existait toujours trois parades face à un problème possible
: le mode semi-fermé, la gestion manuelle et le bail-out, sans
oublier le copain. Bien. Cela demande tout de même de la réflexion
et un certain entraînement. La remontée d’un équipier en
difficulté, équipé, comme vous, d’un recycleur et d’un vêtement
étanche constitue, croyez-moi, le paradoxe d’un grand moment de
solitude… Bref, au début, la première impulsion est celle du rejet
puis, avec la succession des plongées vient l’accoutumance sinon
l’habitude. Et, peut-être le plaisir…
Les avantages
• L’absence de bulles permet une approche presque idéale de la
faune. La grande majorité des prises de vues du film Océans, coréalisé
par Jacques Perrin et Jacques Cluzaud, a ainsi été effectuée
en recycleur fermé Inspiration.
• L’absence de bulles préserve la faune fixée sur les surplombs et
minimise la dégradation des épaves visitées.
• L’autonomie est sidérante. Deux à trois plongées sont possibles
avec une bouteille d’O2 de 4 litres gonflée à 200 bars. La profondeur
n’intervient pas dans l’autonomie car la consommation
n’est pas fonction de la pression absolue mais du métabolisme
(environ 1,5 l/min d’O2). De plus, le diluant, à moins d’être gaspillé
en soufflant par le nez ou gonflant stab et vêtement sec de manière
inconsidérée, intervient peu dans le calcul de l’autonomie.
• Les modèles à PpO2 constante optimisent idéalement le gaz respiré.
La saturation s’en trouve réduite ce qui diminue le temps de
décompression.
• Le gaz respiré est détendu dans un sac respiratoire et non, comme
avec un scaphandre classique, dans le boîtier du deuxième étage
en relation directe avec l’appareil respiratoire du plongeur. Celui-ci
ne subit pas directement la détente du gaz, génératrice de froid.
De plus, le mélange est réchauffé par la réaction chimique avec la
chaux sodée. Ces deux raisons font que la déperdition calorique se
trouve largement diminuée. On estime entre 20 et 30 minutes le
retard d’apparition des premières sensations de froid relativement
à une plongée avec un scaphandre à circuit ouvert.
Les inconvénients
• L’expertise, notamment celle des pratiques de secours, doit être
régulièrement entretenue. Un plongeur en recycleur ne peut pas
être un plongeur occasionnel.
• La mise en oeuvre, les vérifications avant la plongée demandent
de la méthode et s’accordent mal avec une pratique “club”, en
compagnie de plongeurs classiques.
• Le nettoyage et la désinfection de la totalité du circuit sont indispensables
après chaque plongée.
• Les gaz et notamment l’O2 pur (à manipuler avec précaution)
sont plus difficiles à trouver que l’air comprimé ou le nitrox mais la
situation s’améliore un peu partout dans le monde.
• Les consommables autres que les gaz représentent une dépense
notable : chaux, piles, capteurs d’O2, etc.
• Les utilisateurs de recycleur aiment plonger avec leur propre matériel.
Or, ce sont des appareils encombrants, lourds, difficiles à
transporter lors des voyages en avion…
• Ce sont des équipements assez onéreux.
La préparation du matériel exige attention et rigueur.
Les exercices de sécurité sont un passage obligé .
Les exercices de sécurité doivent être répétés jusqu’à la parfaite maîtrise.
Recycleurs ou pas ?
Un stage de formation sur recycleur à circuit fermé vous renvoie
sur les bancs de l’école : il faut réapprendre à plonger, oublier
ses automatismes pour en acquérir de nouveaux, complètement
différents. L’extraordinaire potentiel de ces machines ne doit pas
faire oublier qu’une partie de la boucle respiratoire est constituée
du plongeur lui-même avec toutes ses capacités mais aussi toutes
ses faiblesses. Les Ccr doivent être envisagés avec recul et utilisés
avec méthode et prudence. La solution récente du modèle Poséidon
entièrement automatique et qui interdit toute plongée dès
lors que le contrôle automatique rencontre un paramètre inadéquat
correspond peut-être davantage à un usage ”loisir”. Quoi
qu’il en soit, les Ccr ne constituent nullement un passage obligé
et l’on peut très bien plonger heureux pendant des années avec
un bon vieux scaphandre ouvert sans éprouver le désir de succomber
à l’appel des sirènes. Pourtant, si vous êtes taraudé(e) par
l’envie de faire en une fois ce qui nécessiterait trois plongées différentes
avec un scaphandre ordinaire et le tout sans avoir froid,
pensez-y ! C’est là que réside, à nos yeux, leur raison d’être idéale
bien plus que l’accès aux profondeurs dépassant de beaucoup le
cadre de la plongée loisir. Et pour cela, une seule solution : prenez
rendez-vous avec un formateur reconnu !
Remerciements
L’auteur remercie Vincent Defossez de la Sca Aquadomia, moniteur sur ces recycleurs et organisateur
de ce stage. Sa patience et sa disponibilité n’ont d’égal que son enthousiasme. Merci
également à Martin Parker et la firme Ambient Pressure Diving pour la mise à disposition des
équipements ainsi qu’au Vieux Plongeur et Beuchat pour leur accueil dans leurs locaux respectifs
du la rue du Rouet et du port de la Pointe Rouge à Marseille. Enfin, merci à Pascal Chauvière
qui nous a accompagnés en fin connaisseur au fil de ces glaciales quoique chaleureuses
journées !
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