Un enfer conjugué.
" Dix ans de vie commune. Deux enfants. L'érosion du temps, l'ennui et la rancoeur avaient-ils remplacé la béatitude des premiers amours? Ce n'était pas un simple désamour, lorsque la relation s'effiloche et se dissout dans l'ennui, c'était un ravage de nos vies construites ensemble, entremêlées par les enfants que nous avions faits."
C'est au moment où elle décide- enfin - de se séparer de Jérôme, père de ses jumeaux, qu'Agathe découvre la vraie personnalité de son mari. S'ensuit une longue procédure de divorce aussi délétère ...que nécessaire.
"L'équipe du divorce était maintenant au complet. J'étais devenue à moi seule une PME qui employait une dizaine de personnes: un avocat, un notaire, un avoué, un expert-comptable, un détective, un coach de divorce et une psychiatre, sans compter les assistants et les secrétaires"
Si elle aborde un fait de société devenu banal - Une affaire conjugale est l'autopsie d'un divorce -Eliette Abécassis en révèle avec précision, acuité et un sens de l'introspection hors pair les vagues et ravages suscités, dénonçant, par là- même, la supercherie de sa banalisation.
" Tout ce qui formait mon univers - mon mari, ma famille, mes amis - s'effondrait comme un château de cartes, les unes entraînant les autres. Le divorce me mettait brutalement face à un constat (...): l'humanité ne vaut rien"
Avec une leçon de vie à la clef: " La seule façon de connaître vraiment son conjoint, c'est le divorce."
Apolline Elter
Une affaire conjugale, Eliette Abécassis, roman, Albin Michel, août 2010, 326 pp, 20 €
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Une lecture qui ne laisse pas indemne et qui se voit, avec bonheur, prolongée d'un
AE: Eliette Abécassis, vous abordez sans tabou les situations de la vie, les relations entres les gens. Votre roman résonne comme un plaidoyer anti-divorce tant il en révèle les déchirements. Considérez-vous que le mariage - et le divorce, partant - comme des mauvais plans?
Eliette Abécassis: Je crois qu’on divorce un peu trop vite de nos jours. Il y a l’image de la famille Ricoré version recomposée, comme l’image d’Epinal du mariage en blanc, où la femme se retrouve princesse d’un jour et l’homme est le sauveur. Mon livre montre la barbarie sous-jacente à ces idéaux, et donne la voix à une souffrance tue parce que non admise par la société bien-pensante, celle de la souffrance du divorce qui est un cataclysme.
AE: Agathe s'écrie - et écrit - à un moment: "Ceux qui n'ont pas divorcé ne peuvent pas comprendre, les célibataires ne peuvent pas comprendre, seuls ceux qui sont passés par cette expérience peuvent entendre ce que je dis." Ne pensez-vous pas, au contraire, que le récit d'Agathe créera justement un pont entre les divorcés et les non-divorcés, permettant à ces derniers de mieux comprendre la situation ?
Eliette Abécassis: Je l’espère. Quand on divorce, on se retrouve souvent isolé. La génération des parents d’Agathe ne comprend pas, ses parents sont mariés depuis cinquante ans. Même sa sœur, qui n’a pas divorcé, ne comprend pas ce qu’elle vit car c’est proprement inimaginable, et un sens, indicible : par pudeur et par honte, elle préfère se taire. Le divorce devient comme une prison intérieure, dont elle ne parvient pas à s’échapper car il lui est impossible de penser à autre chose.
AE: Banaliser -voire faciliter légalement - le divorce - n'est-ce pas une grande supercherie?
Eliette Abécassis: Oui, c’est une tromperie. On nous vend le mariage comme la clef du bonheur et le divorce aussi. On nous dit que les enfants c’est plus important que tout, et on n’a pas peur de les scinder en deux et d’abîmer à jamais leur monde et leur horizon.
Et pour terminer, la question rituelle de nos billets de faveur: celle de la madeleine de Proust. Pouvez-vous nous évoquer un plat, une recette, qui ont une saveur particulière à vos yeux ?
Eliette Abécassis: La Dafina, ce plat des juifs du Maroc, qui cuit toute la nuit. Chaque famille a sa recette et ses secrets. C’est un plat à base de riz, de blé, de viande, d’œufs et de pommes de terre, qui cuisent dans la même marmite, mais séparés, avec beaucoup d’épices. Chaque ingrédient s’imprègne de la saveur de l’autre et il y en a toujours pour tout le monde. Après, il faut prévoir une bonne sieste.