« L’une des variantes de l’erreur de Descartes est de ne pas voir que l’esprit humain est incorporé dans un organisme biologiquement complexe, mais unique en son genre, fini et fragile ; elle empêche donc de voir la tragédie que représente la prise de conscience de cette fragilité, cette finitude et cette unicité. Et lorsque les êtres humains sont incapables d’apercevoir la tragédie fondamentale de l’existence consciente, ils sont moins enclins à chercher à l’adoucir, et peuvent, de ce fait, avoir moins de respect pour la valeur de la vie. […] La chose la plus indispensable, en tant qu‘êtres humains, que nous puissions faire, chaque jour dans notre vie, est de nous rappeler et de rappeler aux autres notre complexité, notre fragilité, notre finitude et notre unicité. Et la difficulté, c‘est, bien sûr, ceci : faire passer l‘esprit de sa position élevée dans l‘ « éther » à celle d’une localisation matérielle, tout en lui conservant une grande considération ; reconnaître son origine humble et sa vulnérabilité, et cependant continuer à lui attribuer un rôle de direction. »
in Antonio Damasio, L'erreur de Descartes : la raison des émotions