Lapidation médiatique

Publié le 30 août 2010 par Malesherbes

Ce samedi 28 août, Nathalie Revenu, du Parisien, a été reçue par Eric Woerth dans sa mairie de Chantilly. Au cours de leur entretien, celui-ci a déclaré : " C'est un peu une chasse à l'homme, comme il existe ici des chasses à courre. Sauf que c'est moi qui joue le rôle du cerf. [...] Je suis un dommage collatéral des écoutes sauvages d'un majordome. [...] Je subis depuis deux-trois mois une sorte de lapidation médiatique assez impressionnante. "

Ainsi donc, malgré les efforts de notre Président, qui n'a pas hésité à risquer de diviser à nouveau les Français pour tenter d'étouffer cette affaire, celle-ci resurgit. La défense du ministre est assez singulière. Il fait ici référence aux " écoutes sauvages d'un majordome ". Appréciez bien le choix des termes. Ces écoutes sont sauvages, certes, donc déloyales, mais sont-elles pour autant inauthentiques ? Et elles ont été réalisées par un majordome, donc un domestique, peut-être avide de vengeance. Que pèsent-elles donc face à la parole d'un ministre nécessairement intègre ?

Mais le plus indécent est le choix de ce mot de lapidation au moment même où le monde s'émeut du sort d'une Iranienne condamnée par la justice de son pays à subir ce supplice. La meute UMP (puisque M. Woerth, fervent d'hippisme, affectionne les termes de vénerie) glapit à l'amalgame quand sont employés les mots de rafle ou déportation à propos des mesures prises à l'encontre des Roms. Ceux-ci correspondent pourtant très exactement à ce que notre police effectue actuellement, même si le terme de déportation a pris un sens particulier depuis que les déportés de la Seconde guerre mondiale l'eurent été eux afin d'être exterminés, ce qui, fort heureusement, ne menace pas les reconduits du Sieur Hortefeux, ministre de l'Intérieur et en charge des cultes, condamné pour injure raciale ! Et le sens particulier revêtu il y a plus de 60 ans par le mot collaborateur n'empêche pas aujourd'hui des chefs d'entreprise de qualifier ainsi les salariés qui les épaulent.

Pour décrire sa situation telle qu'il la ressent, M. Woerth aurait très bien pu utiliser l'expression exécution médiatique. Mais utiliser le nom d'un supplice barbare subi par d'autres mais ne le menaçant en rien est une démarche totalement abjecte. Il se disait impatient d'être interrogé. Quoi qu'il fasse, même si, comme il est probable, il sort blanchi de cette épreuve, un doute subsistera sur son honneur. Puisqu'il est certain de son intégrité, qu'attend-t-il pour s'adresser à sa collègue, Ministre de la Justice, afin que celle-ci demande au Parquet de confier cette enquête à un juge d'instruction ? Ou bien, serait-ce qu'il n'a pas confiance en la Justice de son pays ?