Pour la première fois depuis trente ans, les effectifs de la fonction publique n'ont pas augmenté en 2008, même si les effets de la politique de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux sont atténués par les embauches d'agents par les collectivités locales. Certes, la réduction des conseillers ministériels est vraisemblablement nécessaire; assurément, l'ajustement de certains postes au sein des grandes administrations mérite qu'on y regarde de près. En revanche, la suppression de postes de fonctionnaires territoriaux, hospitaliers, de la police, de l'éducation, bref, de proximité est une folie que nous paierons cher et longtemps, car destructrice de démocratie et génératrice de violence sociale.
Fin 2008, les trois fonctions publiques (Etat, territoriale et hospitalière) employaient 5,277 millions de personnes, soit une progression de seulement 0,03% sur 2007, contre une moyenne de 1,3% par an entre 1998 et 2008, selon le rapport annuel 2009-2010 sur la fonction publique. Cette première stabilisation depuis 1980 découle de la suppression de 77.500 postes dans la fonction publique de l’Etat, qui s’ajoutent aux 61.000 déjà réalisées en 2007, mais aussi, et quoiqu'en disent certains, d’un ralentissement des créations d’emploi dans les collectivités locales, à 69.000 en 2008 contre 86.000 en 2007.
Pour FO, troisième syndicat de la fonction publique, « si la logique actuelle se poursuit, 400.000 postes auront été supprimés dans la seule fonction publique d’Etat entre 2007 et 2012″. « Cela veut dire une forte dégradation y compris sur le plan des missions de service public et du climat, même les hauts fonctionnaires commencent à râler, c’est inédit », a déploré mercredi son secrétaire général Jean-Claude Mailly.
La carotte de Tron !
Le secrétaire d’Etat à la Fonction publique Georges Tron a récemment souligné que les collectivités territoriales avaient créé 340.000 emplois » entre 1997 et 2007, « hors transferts de compétences » et souhaité arrêter cette « dérive » en récompensant celles qui ont une « gestion rigoureuse ». Un peu comme son collègue Estrosi qui voulait punir les collectivités qui n'atteindraient pas certains chiffres en matière de lutte contre la délinquance !
Le rapport annuel de la fonction publique rappelle cependant que 44.000 fonctionnaires d’Etat, principalement ouvriers et techniciens des routes départementales, lycées et collèges, ont été transférés en 2008 aux départements, via la « deuxième vague de décentralisation ». Oubliant de préciser que la précarité augmentait au rythme de la crise depuis 2008 (chômage, expulsions de logements, coupures d'électricité, etc, et que les besoins explosent. Ce sont bien les municipalités, les départemens et les régions qui compensent l'incurie de l'Etat dans de nombreux domaines
Pour 2010, le gouvernement ne prévoit que 34.000 suppressions de postes dans la fonction publique d’Etat. Le quotidien Les Echos avait révélé en juillet que ce nombre n’a probablement pas dépassé 25.000 en 2009, certains agents reportant leur départ à la retraite, faute d’annuités suffisantes pour prétendre à un taux plein.
Les limites du "tout privé".
Les communes ont pour leur part tendance à transformer en fonctionnaires municipaux des salariés qui travaillaient déjà pour elles à la distribution des eaux, mais sous statut privé, a rappelé Gilles Debiais, président des fonctionnaires territoriaux CFTC. « Cherbourg (Manche) et Neufchateau (Alsace) ont par exemple effectué en 2009 l’internalisation de ce service sous forme de retour en régie municipale », a aussi indiqué à l’AFP Bernard Defaix, de la Fédération nationale des collectifs de défense et de développement des services publics.
Les collectivités locales remettent également en régie le ramassage des ordures, après avoir constaté que « les entreprises privées le facturaient très cher », selon Luc Rouban, sociologue au CNRS, mais d’autres services pourraient au contraire faire l’objet d’une « recentralisation » au profit de l’Etat. « L’aménagement du territoire est repris en main par l’Etat, via les plans de relance et la lutte contre la crise économique, c’est le point central de recentralisation », a-t-il indiqué à l’AFP. Le contrôle financier par les chambres régionales de comptes devrait aussi s’accroître, selon lui. M. Debiais constate de son côté une difficulté des communes à « recruter de bons spécialistes financiers ».
De la même façon, la titularisation d'emplois précaires est une réponse assumée de certaines collectivités contre le chômage : il s'agit d'un choix politique clair contre la paupérisation.
(Source : La gazette des communes).