Ce court roman est un joyeux fourre tout. Commençant comme une comédie lorgnant sur le vaudeville, le récit emprunte à l’aventure maritime façon Hemigway (Le vieil homme et la mer) avant d’accoster sur une île que n’aurait pas reniée Robinson Crusoé. Survient alors une légère dose de fantastique avant une apothéose finale qui tend allègrement vers un genre bien particulier, l’absurde.
Conte ? Fable ? Récit d’initiation ? Difficile de faire rentrer ce Bifteck dans une catégorie précise. C’est à la fois original et déstabilisant pour le lecteur. A l’évidence, le coté décousu de l’intrigue dessert le texte. C’est dommage, car Martin Provost possède un joli brin de plume.
Les meilleurs passages sont ceux qui abordent la question de la paternité. André est un papa poule prêt à tout pour protéger ses enfants. Mais le jour où il comprend que ses sept petits ont grandi et n’ont plus forcément besoin de lui, sa souffrance est touchante : « On lui signifiait son congé, comme à l’ancêtre qu’on autorise à finir ses jours paisiblement au coin de l’âtre, nourri d’eau sucrée et de croûtes de pain. Se mêler aux existences des jeunes hommes et femmes en devenir, il n’en était plus question. […] Jusqu’alors, il avait été pour eux leur seul prolongement, leur seul territoire possible. »
Pour le reste, les événements sont aussi vite lus qu’oubliés. A part peut-être la conclusion de l’histoire où, après s’être demandé où tout cela allait nous mener, on se dit : tout ça pour ça ?
Voila donc un texte original dans sa construction et joliment écrit qui ne semble malheureusement pas tout à fait abouti. Agréable mais dispensable.
Bifteck, de Martin Provost, édition Phébus, 2010. 125 pages. 11 euros.
L’info en plus : Romancier, Martin Provost est aussi et surtout cinéaste. Il est notamment le réalisateur du long métrage Séraphine, récompensé en 2009 par sept César.