Au début des années 70’ l’amateur de rock avait ses disques vinyles, ses journaux et magazines souvent anglo-saxons (qu’il devait dénicher dans les kiosques des Champs-Elysées ou les Drugstores) pour une meilleure qualité d’information sur les groupes peu connus qui écumaient le circuit des clubs anglais voire américains et de rares émissions de radio, comme le Pop Club sur France Inter, reléguées à des heures indues pour un scolaire lambda comme moi.
A la télévision, une seule émission – mais de qualité – POP2 présentée par Patrice Blanc-Francard entre 1970 et 1973 sur la seconde chaîne, précédée quelques années plus tôt par l’émission Bouton Rouge de Pierre Lattès (1967). Pour les gens de ma génération, passionnés de rock, l’évocation de ces deux émissions nous arrache encore des sanglots de bonheur. A une époque où le rock n’avait pas investi la vie de tous mais restait un plaisir d’esthètes et d’érudits – snobés pour ne pas dire méchamment critiqués par la société toute entière – voir nos idoles en action sur les petits écrans relevait de l’apparition miraculeuse reléguant Bernadette Soubirous au rang d’anecdote.
Les matériels d’écoute et d’enregistrements eux aussi nous manquaient cruellement car réservés aux professionnels ou aux fortunés. Les chaînes stéréo commençaient à remplacer nos tourne-disques, bientôt suivies par les chaînes hi-fi. Pour les enregistrements, le bon vieux magnétophone à bande gros comme une valise auquel succéderait le magnéto K7 plus léger, quant à enregistrer la TV inutile d’y penser, le magnétoscope était hors de prix et encore peu répandu.
Avant que POP2 ne commence, j’installais sur la table de la salle à manger familiale mon magnéto à bande, relié au téléviseur par un long câble et dès le générique j’enclenchais l’enregistrement. Bien entendu tout cela sous les sarcasmes de mes parents dont je n’avais que faire, heureux comme un conquistador découvrant l’or Inca, j’accumulais mes prises et me les repassais sans fin dans ma petite chambre, à l’abri des regards et oreilles des béotiens ignares.
Quand en mai 1971, POP2 diffusa un concert privé des Rolling Stones enregistré au Marquee de Londres ça fit du boucan dans le landerneau ! Il nous fallait absolument cette bande à n’importe quel prix. La suite, ce sont des enregistrements audio au son pourri recopiés à l’infini sur des K7 qu’on s’échangeait sous le manteau – comme des photos coquines aux abords de Pigalle – entre initiés. Plus tard, la technologie évoluant, ces mêmes sources ressortirent en CD et même en DVD nettoyées et restaurées qui nous coûtèrent la peau des fesses – c'est-à-dire l’or des Incas une fois encore.
Aussi aujourd’hui, en souvenir de ces temps mémorables et nostalgiques, pour tous ceux qui comme moi ont mis beaucoup de leur vie dans cette musique, je vous propose cette fameuse émission du 22 mai 1971, désormais en ligne sur la toile grâce à l’INA. Le concert des Rolling Stones est précédé d’un extrait du film Memo From Turner avec Mick Jagger qui en chante le thème.
Si vous voulez remonter le temps avec moi, en voiture, c’est ici que ça se passe !