Pour son nouveau film, la note d'intention d'Alexandre Aja témoignait de la volonté de livrer un film fun, une pantalonnade assumée, une oeuvre potache destinée à offrir au public une bonne grosse tranche de cinéma dont l'aspect décomplexé n'aurait d'égal que le plaisir (non) coupable d'assister à une gigantesque séance de tripaille.
Pari à demi-réussi. Car là où les intentions louables du réalisateur de Haute tension (son meilleur film) et La colline a des yeux faisaient naître des espoirs de gros divertissement d'horreur, les choix scénaristiques, des personnages caricaturaux et, surtout, la redondance du procédé qui ne dépasse jamais son concept de base, font que Piranha 3D ne parvient malheureusement pas à emporter notre pleine adhésion.
Le film souffre tout d'abord d'une mise en place qui tire en longueur (un comble pour un métrage de 90 minutes), les personnages étant présentés à travers des dialogues écrits à la truelle, ce qui, outre l'ennui provoqué, ne crée aucun attachement envers les protagonistes. Seul le personnage incarné par la revenante Elisabeth Shue (petite amie de Marty Mc Fly dans Retour vers le futur 2 et 3) retient notre attention et possède un véritable charisme.
Par ailleurs, Alexandre Aja se noie dans son propre sang. En effet, le concept toujours plus loin et toujours plus fort dans le sanguinolent jubilatoire se doit, pour tenir sur la longueur, d'être soutenu par une mise en scène transcendant le procédé, afin de ne pas créer de lassitude. Malheureusement, Aja filme ses scènes d'horreur de manière efficace certes, mais très classique, les séquences de boucherie se succédant avec une précision de métronome, cette mécanique demeurant trop ronronnante et systématique pour que l'on soit véritablement happé par les images (certaines d'entre elles sortent certes du lot, comme cette femme voyant son tronc se détacher de ses jambes).
La scène d'ouverture est elle aussi plutôt décevante. L'emploi de Richard Dreyfuss était une idée sympathique dans son clin d'oeil aux Dents de la mer (l'affiche du film rendant par ailleurs également hommage au film de Spielberg), mais la séquence s'avère molle du genou, et la participation de l'acteur ne dépasse malheureusement pas la simple figuration, alors que la scène, mieux écrite, aurait pu ouvrir le film en beauté. D'autre part, le personnage incarné par Christopher Lloyd (Doc Brown dans la trilogie Retour vers le futur), est une caricature éhontée du célèbre personnage des films de Robert Zemeckis.
Par ailleurs, Alexandre Aja use à deux reprises d'effets totalement navrants tirant le film vers le bas. Ainsi, la scène du vomi en 3D n'a de raison d'être que pour balancer les restes du repas d'une jeune fille à la tête du spectateur. Et la séquence du piranha rotant un pénis ingéré quelques secondes plus tôt est quant à elle d'un ridicule achevé.
En revanche, les scènes de boucherie sont totalement réussies et l'on n'est pas trompé sur la marchandise: Aja nous avait promis des seins et de la barbaque, il nous en donne pour notre argent. Des seins, des fesses et des bikinis, l'écran en déverse par centaines, avant de nous montrer leur dépeçage en règle. Jubilatoire, d'autant que les effets spéciaux sont totalement réussis et réellement efficaces (notamment une séance de scalp particulièrement gratinée).
Piranha 3D ne constitue donc pas la baffe annoncée, mais demeure un film d'horreur fun de bonne facture malgré ses évidents scories. Espérons qu'Alexandre Aja exige un peu plus de rigueur scénaristique pour son prochain film. Car, bien qu'il fasse son petit effet sur le moment, Piranha 3D s'oublie aussi rapidement qu'il aura été vu.