C'est en lisant l'autre jour ce "torchon" écrit par Les Inrocks, qui résume à lui seul la médiocrité dans laquelle se vautre régulièrement le magazine depuis quelques années, que j'ai eu envie de me replonger dans ce sublime "Goodbye And Hello". Oui, comparer Jeff Buckley à Robert Pattinson, franchement, à ce niveau-là, cela relève de la faute professionnelle. Enfin, bref, oui, parlons plutôt du père, Tim, au destin tout aussi tragique mais à la discographie nettement plus consistante. Je suis d'ailleurs de ceux qui ont découvert le père grâce au fils, question de génération sans doute. J'ai commencé par "Morning Glory", le dernier titre de ce deuxième album paru en 1967. Un morceau d'éternité. Une voix d'une pureté exceptionnelle, asexuée, presque surnaturelle. Une chanson flottante, en apesanteur. Un rêve éveillé qu'on ne voudrait jamais voir s'arrêter. Un de ces trucs qui vous fait tout simplement aimer la musique. Un ange passe... Oui, Tim Buckley est un songwriter de cette trempe-là, l'égal pour moi d'un Leonard Cohen ou d'un Nick Drake. Surtout sur ce disque en fait. Le premier album dans le même esprit folk mais moins abouti et la suite plus jazz me touchent moins. "Goodbye And Hello" porte donc pour moi magnifiquement bien son nom. Parce qu'il n'y aura pas de suite aussi forte. Parce que cela me suffit amplement. Buckley démontre ici toutes ses qualités de troubadour folk, nous délectant de quelques petites perles aux sonorités médiévales ("Carnival Song", "Hallucinations"), d'au moins une autre ballade aussi bouleversante que "Morning Glory" ("Phantasmagoria In Two") et de morceaux aux belles envolées lyriques qui inspireront plus tard son fils ("Pleasant Street", "Goodbye And Hello"). La chanson "I Never Asked To Be Your Mountain" a d'ailleurs été expressément écrite pour ce dernier, Tim y avouant d'avance qu'il ne fera pas un "bon" père.
Avec le recul, on peut déjà y voir la destinée fatale de la famille Buckley. En effet, ils brûleront tous deux leur vie, à l'image d'étoiles filantes, la consacrant presque uniquement à la musique. Si le père échappe toujours aujourd'hui, contrairement au fils, à la moindre critique, c'est aussi du fait de son époque, cette période bénie des années 60. Ce temps, que les moins de quarante ans ne peuvent pas connaître, sans doute trop idéalisé, ne mélangeait pas tout et n'importe quoi et les artistes n'y étaient pas encore injustement comparés à de vulgaires produits marketings.
"Morning Glory" :