Photo Reuters (Site du Spiegel)
Je n’ai pas vu ce Lohengrin, mais j’en ai beaucoup entendu parler et j’en ai suivi la retransmission radio. Aussi, sans avoir l’intention de commenter, je voudrais transmettre quelques informations sur ce spectacle qui remporte un gros succès au Festival, parce qu’il y a Neuenfels, et parce que c’est la nouvelle production de l’année.
Photo Site Komische Oper
Hans Neuenfels est peu connu du public français, beaucoup moins que Peter Stein, Thomas Ostermeier ou Christoph Marthaler. Il est pourtant l’un des metteurs en scène les plus connus en Allemagne, pour ses approches très radicales, c’est même un de ceux qui font peur. Il arrive à Bayreuth à la fin d’une carrière très riche de metteur en scène et d’auteur. J’ai vu de lui Cosi fan Tutte à Salzbourg en 2000, mais pas la Chauve Souris en 2001 qui a déchaîné les passions. Cosi fan tutte était vu comme une expérience d’entomologiste de Don Alfonso et se déroulait sur une sorte de boite à insectes naturalisés, comme si Don Alfonso allait observer les réactions des amants comme autant d’observations des insectes. Les amants étaient tous vêtus de la même tenue blanche et en principe impossible à distinguer. Cela m’avait paru une vision intelligente et neuve, sans être un travail qui avait marqué ma vie, bien que je m’en souvienne encore car c’était Abbado qui devait diriger, et celui-ci avait renoncé, puis la même année avait été frappé par la maladie, la direction musicale avait été assurée par Lothar Zagrosek.
Approche aussi expérimentale dans ce Lohengrin : la question posée (ainsi le dit-il dans une interview pour le mensuel Opernglas) est celle de la confiance demandée sans conditions dans un monde toujours plus informé, qui analyse, qui pose des questions, mais qui est de plus en plus indifférent et reste le même. « Dans un monde où rien ne se passe, où rien de neuf n’arrive, aucune utopie, que quelqu’un doive donner sa confiance sans conditions, sans questions à poser, voilà une thèse magnifique ! ». La mise en scène propose donc Lohengrin comme expérience à vivre dans un monde sans identité : le chœur est vu comme un ensemble de rats de laboratoire, qui assistent à l’expérience des seuls personnages qui vivent vraiment, les quatre protagonistes et le roi, personnage presque shakespearien (l’excellent Georg Zeppenfeld, sorte de Roi Lear dérisoire).
L’expérience échoue, car Elsa n’aime pas, et sans amour pas de question sans réponse, pas de confiance sans condition.
Voilà grosso modo le concept de ce travail qui je l’avoue excite ma curiosité, tant il a partagé la presse, comme toujours dans les mises en scène de Neuenfels qui ne laissent personne indifférent.
Du point de vue musical, ce que j’ai entendu à la radio m’est apparu de grande qualité.
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Andris Nelsons jeune chef letton de 32 ans, directeur musical du City of Birmingham Symphony Orchestra, l’un des meilleurs représentants de la jeune génération, élève de Mariss Jansons, a assumé la direction musicale de ce Lohengrin. Son approche, surprenante par sa lenteur, séduit (au moins à la radio) par un vrai travail sur la pâte orchestrale, par un son plein, charnu, et un très grand sens du phrasé. Un Lohengrin inhabituel, mais très séduisant, voilà ce que je me suis dit en l’écoutant.
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Des chanteurs, je peux seulement dire que Lucio Gallo (premier chanteur italien invité dans un grand rôle à Bayreuth depuis des années)ayant renoncé début Juillet, il est remplacé dans Telramund par Hans-Joachim Ketelsen, un baryton de qualité, sans être exceptionnel.Evelyne Herlitzius est une Ortrud comme toujours très engagée, mais le chant n’est pas toujours contrôlé, les sons, notamment les plus gutturaux, sont quelquefois assez vilains.
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Annette Dasch semblait être tendue lors de la retransmission de la première, elle l’a dit d’ailleurs et le vibrato au premier acte était fort accentué. Gageons que cela ira mieux dans les représentations suivantes.
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Reste Jonas Kaufmann (qui ne sera pas dans la distribution l’an prochain, hélas) avec son chant à la technique de fer, aux mezze voci de rêve, aux aigus triomphants, qui semble dessiner un Lohengrin un peu plus sombre, mélancolique, moins lumineux que d’habitude, mais tout aussi passionnant.
Voilà des considérations initiales, qui sont marquées par la frustration de ne pas avoir pu assister au moins à la seconde représentation (deux billets rendus pour une cinquantaine de demandes), mais ce sont des frustrations hélas habituelles à Bayreuth.