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Des bons pour les « salauds de pauvres » !

Publié le 30 août 2010 par Letombe

 

Des bons pour les « salauds de pauvres » !
Dans le cadre de la démarche présidentielle visant à occuper le terrain médiatique et à préparer la contre-offensive de la rentrée, elle-même rampe de lancement pour 2012, chacun est plus ou moins libre d’apporter une pierre.
Certains relaient le président. Ainsi on a vu M. Ciotti proposer la pénalisation des parents dont les enfants ne respectent pas les injonctions judiciaires au risque de friser la faute pénale du fait d’autrui et l’inconstitutionnalité. D’autres poussent le bouchon un peu plus loin et peuvent se faire « recadrer » par le gouvernement. Cela a été le cas pour M. Estrosi pourtant ministre – bonjour la cacophonie, mais l’essentiel n’est-il pas de faire du bruit ? –  avec sa mise en cause des maires qui, pour le coup, va au-delà du programme de Grenoble.

Un autre député, Edouard Courtial a également pointé le nez pendant le week-end en suggèrant que l’allocation de rentrée scolaire puisse être libérée en bons d’achat ! Il s’agit d’empêcher des parents d’user de cet argent à d’autres fins. Certains achèteraient des téléviseurs plutôt que des vêtements pour les enfants et des cartables ! Le système préconisé copierait les chèques-restaurant. Il faut moraliser l’usage de cette allocation.

Et d’expliquer qu’« Il s’agit de replacer la responsabilité de chacun au cœur de notre contrat social. Avec le respect de l’autorité, l’effort individuel et la méritocratie, vous avez les marqueurs du sarkosysme. Cette proposition de loi s’inscrit au croisement des valeurs ». (JDD du 15 août). 115 députés UMP l’auraient déjà signée.

M. Courtial admet lui-même que ce n’est sans doute qu’une minorité de bénéficiaires qui détournent de son objectif premier l’argent de cette allocation de rentrée scolaire. A notre connaissance il n’y a pas un problème d’une ampleur telle – la Caisse nationale d’allocations familiales n’aurait pas manqué de soulever le problème – qu’il faille monter un dispositif comme celui qui est proposé. Parmi les 2 millions et plus de bénéficiaires, c’est marginalement que certains investissent dans des dépenses  de biens de consommation ou autres apparemment non liées à la rentrée scolaire.

Et d’ailleurs qui dit que si le téléviseur est payé avec cette allocation qui, rappelons-le, s’élève à 280 à 306 euros selon l’âge de l’enfant, c’est avec un autre argent que les enfants sont équipés pour la rentrée. En d’autres termes la question posée est bien de savoir si les enfants disposent de ce dont il est nécessaire pour effectuer leur rentrée. Cette rentrée est censée avoir un certain coût régulièrement et scientifiquement calculé et l’allocation est censée compenser ce surcoût au regard des dépenses courantes, sinon en totalité, du moins en large partie. 

Cette proposition est bien évidement porteuse d’une certaine représentation des personnes modestes : elles ne peuvent que tenter d’escroquer ! Le mécanisme proposé est un peu celui qui existait à une certain époque avec les familles dont les prestations sociales étaient en tutelle : on leur donnait des bons pour acheter ceci ou payer cela. Les commerçants les voyaient arriver de loin ! On s’est aperçu ensuite qu’outre la stigmatisation et la honte qui étaient liées à cette pratique on ne permettait pas aux gens concernés de prendre leur élan et d’assumer réellement leurs responsabilités. Les tuteurs ont donc appris à non seulement substituer l’argent liquide aux bons, mais encore à reverser la totalité sinon une grande partie l’argent des prestations à la famille pour en contrôler a postériori l’utilisation.

Si M. Courtial et ses 115 collègues étaient cohérents, au regard de leurs discours sur les valeurs restitué plus haut, ils s’attacheraient à renforcer une démarche d’aide et de conseil pour la préparation de la rentrée scolaire ; ils auraient aussi le souci de faire en sorte que celle-ci coûte moins cher aux familles quand aujourd’hui on est dans une courses au clinquant et aux marques.

Las pour M. Courtial et ses amis, ici comme ailleurs on acquiert le sens des responsabilités par le cadrage et la répression et  pas par l’éducation et l’exercice des responsabilités. Certains qui sont du bon coté du manche condescendent à venir en aide à ceux qui ont moins ; ceux là devraient les en remercier et se comporter correctement c’est-à-dire comme le bon donateur veut qu’ils se comportent ! Cette attitude suinte la bonne conscience et le mépris des pauvres.

La solution existe bien évidemment au problème –marginal comme l’admet le député – à travers la mise sous tutelle des prestations sociales si celles ci ne sont pas utilisées dans l’intérêt de l’enfant. Attention au passage à ne pas confondre mise sous tutelle des personnes et mise sous tutelles des allocation ! Non seulement, sous le contrôle du juge des enfants qui l’aura mandaté, le tuteur veillera à ce que l’argent des prestations sociales ne soit pas dilapidé, mais accompagnera la famille dans sa demarche éducative. En l’espèce il lui montrera comment préparer la rentrée scolaire et pourquoi pas comment suivre la scolarité de l’enfant par-delà les problèmes de cartables et de crayons. Aujourd’hui environ 30 000 familles font l’objet de la mesure d’aide à la gestion familiale – nouveau nom donné en 2007 à la tutelle aux prestations sociales. Cette mesure est bénéfique pour la plupart d’entre elles et permet aux enfants de ne pas pâtir de carences de gestion des parents. Encore faut-il qu’il y ait une carence.

Question : quel député envisage de déposer une proposition de loi faisant en sorte que le chèque liquidant le bénéfice du bouclier fiscal pour ceux qui ont la chance d’en être à ce niveau de ressources ne puisse être affecté  qu’au financement du logement social ou aux grands travaux publics ! Il ne faut pas seulement « moraliser l’allocation de rentrée scolaire », mais également le bouclier fiscal.

Soyons sérieux cette initiative ne s’impose pas. Elle n’est pas nécessaire au regard de l’objectif affiché. Il existe déjà un dispositif efficient. Elle est exécrable par ce dont elle est porteuse. Elle nous ramène là encore des décennies en arrière.

Il semble que la proposition Courtial n’entre pas dans l’épure de Grenoble. Ouf ! Mais méfiance.

Par Jean-Pierre Rosenczveig pour son blog « Le droit des enfants vu par un juge des enfants »

 

merci à : Section du Parti socialiste de l'île de ré


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