C’est Freddy, le marchand « chasse et pêche » du village qui m’a fait la leçon. « Pour pêcher le barbeau à la mouche, il te faut des nymphes assez lourdes avec un peu d’orange. Ils aiment cette couleur, l’orange. C’est comme ça, ils adorent ça. » De retour à mon étau de fortune je me mis au travail en tirant la langue et, après une bonne heure de transpiration (je suis d’une maladresse chronique !) je pus contempler le résultat. Pas très fameux mais, il y avait de l’orange en pagaille et des barbeaux un peu borgnes pourraient peut-être s’y laisser tenter.
Quant aux lieux de chasse, comme un professionnel ramasseur de champignons, muet comme une tombe j’en garderai secret. Toujours est-il que vers 9h00 du matin je me trouvais à pied d’oeuvre. L’eau n’était pas d’une clarté « Évian » la faute en revenant au canoës et autre kayaks mais, c’était suffisamment clair pour repérer une petite tribu de barbeaux, juste en dessous du courant. Mon Dieu, qu’ils étaient gros et beaux ces poissons. Pas très actifs, c’est sur, mais magnifiques et pas intimidés pour deux sous. Certains même, se frottaient sur le fond et, quand je vois un poisson qui se frotte, je n’y peux rien, ça m’excite. Tel un guerrier Huron mâtiné de héron je m’approchais sournoisement des bestioles, mon arme prête à la main.
La première nymphe se pris dans une branche et y est toujours. La seconde resta accrochée sous un rocher et y est encore également. Ma troisième mouche, la dernière, je fis une prière pour son salut ! Malheureusement, au second passage, j’accrochais de nouveau un rocher et je me mise à pester et injurier toutes les divinités de cette saloperie de rivière et puis… le rocher se mit à bouger et à se déplacer vers l’amont. Cré nom de nom, un barbeau avait trouvé ma nymphe à son goût et la supercherie pas du tout à son goût puisse que, la fameuse musique que tout le monde connaît du moulinet qui se dévide, joua sa chansonnette.
Combien de temps ça a duré ? Aucune idée. C’est toujours la même chose lorsque, rarement, on accroche un « monstre ». Le temps devient élastique, on en perd la notion. Lorsqu’enfin je pu me saisir du barbeau, j’avais le coeur qui battait très très fort. Il était splendide, couleur terre de Sienne, tout brillant avec un peu de jaune sur les nageoires, et son gros oeil qui avait l’air de me dire : « Bon, ça suffit. Tu arrêtes un peu de me casser les couilles ?». Lorsque je lui ôtai de la bouche l’hameçon fourbe et que je le remis dans son élément, je m’aperçus que derrière moi, un canoë était à l’ancre. Une horreur jaune fluorescente, un massacre pour les yeux, une insulte à la rivière. À l’intérieur de cette maudite embarcation, un homme et une fillette avaient suivi toutes les phases de la lutte titanesque de ”Tartarin contre le barbeau ».
La fillette devait avoir dans les 8 ou 9 ans et était belle, comme dans mon esprit devaient être belles les petites filles modèles des livres de la comtesse de Ségur. Des cheveux d’or bouclés lui couvraient le front. Il ne lui manquait qu’une couronne de diamants et un collier de perles au lieu de ce hideux gilet de sauvetage… Elle me regarda droit dans les yeux et me dit d’une voix assurée et un peu grave cette phrase que je ne suis pas près d’oublier : « C’est très bien ; bravo Monsieur ! »
It was Freddy, shopkeeper of the ‘Bait and Tackle’ in my village, who taught me the lesson. « To catch a barbell with a fly, you need nymphs with a little weight and some orange. It’s the colour they like, orange. That’s how it is, they love it. » Back at my makeshift workbench I set down to the job and after a good hour of sweat (I’m all thumbs!) I was able to sit back and admire my work. Not great but perhaps the mess of orange I used could tempt a one-eyed barbell.
As for my hunting ground, like all good berry-pickers, silent as a tomb, I’ll keep my secret. So there I was at around 9:00 ready to begin. The water wasn’t of an « Evian » transperency because of the canoes and kayaks which abounded but clear enough to spot a small tribe of barbell just below the fast water. My God but these fish were big and beautiful. They weren’t very lively, that’s true, but magnificent and not at all intimidated. Some were rubbing on the bottom and when I see I fish rubbing I can’t control myself, I’m aroused.
Like a Huron warrior crossed with a heron, I crept up to the beasts, my weapon at hand. The first nymph hooked on a branch and is still there. The second caught under a rock and is also still there. I prayed for my third fly, the last one! Unfortunately on my second cast, it hooked on a rock again and while cursing all the river gods…the rock began to move upstream. Crying out loud, a barbell had found my nymph to his liking and the hoax infuriated him to the point that the famous music of the reel unwinding filled the air. How long it lasted I can’t say. That’s the way it is on tose rare occassions when you hook a ‘monster’. Time becomes elastic and you loose all notion. When I was finally able to take hold of the barbell my heart was racing. It was splendid, a raw Sienna colour, glistening and with a touch of yellow on the fins and a big eye that seemed to be saying « Okay, that’s enough. Stop breaking my balls (You’re really pissing me off).
When I finally removed that cunning hook from his mouth and slipped him back into his waterworld, I noticed that that there was a canoe anchored behind me. It was a florescent yellow horror, painful to the eye and an insult to the river. Inside this cursed craft a man and a young girl had followed all of the acts of the titanic fight of ‘Tartarin versus the Barbell’ (Tartarin is the great Provençal braggart). The girl was maybe 8 or 9, and she had the pure beauty of my imagined Shirley Temple. Golden curls fell over her forehead. All that was missing was a crown of diamonds and pearls to replace the hideous life jacket. I’ll never forget how she looked me in the eye and in a low voice full of assurance pronounced: »Well done sir, Congratulations! »