Et voilà, comme vous le savez, l’aventure UTMB 2010 s’est achevée après seulement 21km et moins de 4 heures de course. La faute à une météo jugée trop dangereuses. Pluies diluviennes, vents violents au sommet, brouillard et risques de neige aux sommets, le tout en pleine nuit, ça faisait beaucoup (je vais finir par croire que je suis chat noir vu que l’année où j’ai fait le Marathon des Sables, le désert avait été inondé par des pluies jamais vues depuis des années). Evidemment les cracks habitués à des conditions difficiles seraient passés mais pour les 2000 amateurs de derrière, les risques étaient trop grands. Les trois morts lors du trail du Mercantour 2009 rappellent que la montagne ne pardonne pas. La décision des organisateurs d'arrêter la course fut donc pleine de sagesse. Merci à eux de ne pas nous avoir envoyés au casse-pipe. Quelle que soit la frustration qui en découle. Aucune course au monde ne justifie de mettre en péril la vie des gens. Evidemment, c’est assez confortable pour moi de dire ça. Même si depuis quelques semaines, l’UTMB était devenu une obsession, je n’ai pas sacrifié les derniers mois de ma vie, je n’ai pas imposé ma préparation à ma femme ou mes enfants (je n’en ai pas, c’est plus pratique…), je ne me suis pas privé sur les Twix (ça, j’aurais peut-être dû) et je venais de Paris, qui n’est pas non plus le bout du monde contrairement aux dizaines de Japonais ou de coureurs venus de 57 pays. Mais c’est aussi ça la montagne. Si on ne veut pas être exposé à ce genre d’impondérables, on va courir les 15km de Bourg-la Reine ou la corrida d’Issy-les-Moulineaux, et pi c’est tout…
D’accord donc sur ce point avec Kilian Jornet, la star du trail, parti tout fâché de Chamonix pour aller disputer dimanche un "championnat du monde" d'ultra sky-running (qu'il a évidemment gagné). Pas d’accord en revanche avec lui sur le reste de son discours (lire sur son blog) où il semble estimer en gros que si on ne veut pas être mouillé il ne faut pas faire du trail, que ce n’est pas de la course sur route et qu’il faut accepter de courir dans des conditions difficiles. Et tant pis pour les risques… (et s’il y a des morts, on dit juste : « désolé » et on passe à une autre course ?). Tout le monde n’a pas grandi comme lui dans la montagne et n’est pas capable de s’adapter aussi bien que lui ou ses copains champions. Mais si Kilian Jornet est aujourd’hui devenu la "vedette" qu’il est, c’est aussi parce que 2000 gus derrière lui participent à ces épreuves avec leurs propres moyens physiques et leur propre expérience. Les 2000 gus derrière lui, qui sur l'UTMB ne sont pas non plus des débutants complets vu le système de qualification, n’ont pas non plus une assistance ultra professionnelle présente en 12 points du circuit pour leur donner éventuellement une nouvelle paire de chaussures sèches et des vêtements secs comme c’était le cas pour lui sur cette édition (source team Salomon avant la course). Alors si les 2000 gus n’étaient pas là, Kilian Jornet resterait un immense champion (si tout se passe bien, une page entière de L’Equipe lui sera consacrée jeudi), continuerait à prendre son plaisir à courir dans sa montagne, mais pas sûr que M. Salomon, bien content de voir ces fameux 2000 gus acheter ses produits parce que c’est « les mêmes que Kilian », serait aussi intéressé à lui offrir d’aussi bonnes conditions pour aller réaliser des exploits sur toute la planète… On peut certes réserver les courses de montagne aux gens de la montagne... Mais il ne faut pas demander ensuite le beurre et l'argent du beurre... Je préfère la réaction de Sébastien Chaigneau, bien évidemment déçu de voir toute sa préparation rendue inutile mais qui estimait que « rien ne valait la peine de mettre des vies en péril ».
D’autre part, ceux qui me connaissent savent que je suis plutôt du genre fataliste (le « c’est comme ça » est souvent une solution de facilité, je l’avoue, mais dans ces circonstances, ça rend bien des services et évite de se prendre la tête). Si l’UTMB a été annulé, eh bien, c’est donc que ça devait en être ainsi. Peut-être aussi une sorte de signe de ma bonne étoile qui, elle, était au courant de mon état physique actuel. Je n’ai pas trop insisté là-dessus avant la course pour ne pas tomber dans le truc du mec qui cherche des excuses avant même le départ pour justifier un éventuel abandon, mais je suis cassé de partout depuis plusieurs semaines… voire mois. Un talon dans un triste état depuis une rencontre brutale avec un fond de piscine (ça m’apprendra à sauter comme un abruti dans un petit bain), une cheville « électrique » même au repos, un genou qui refuse obstinément de plier autant qu'il le devrait et enfin un dos qui me donne des allures de vieillard au réveil. Malgré tout ça, j’avais fini par me convaincre, que oui, c’était possible, que oui, mon mental pourrait pallier les défaillances physiques et le surpoids (qui n’est évidemment pas étranger aux maux précédemment listés). Ayant tout de même un peu d’expérience et de connaissance de la pratique sportive, je connaissais aussi les risques à long terme d’une telle expédition avec d’éventuelles séquelles pour de nombreux mois. Mais je suis joueur… Dans ces conditions, vous comprendrez sans doute mieux pourquoi l’arrêt de la course fut pour moi une sorte de signe et de message « n’insiste pas pgb ».
Voilà principalement pourquoi je n’ai pas repris le départ samedi matin de la course de « consolation » montée dans la nuit par l’organisation sur la deuxième partie de l’UTMB, entre Courmayeur et Chamonix. 88 km au programme pour un maximum de 1500 coureurs sur les 3500 frustrés de la veille (UTMB et TDS compris puisque le départ de la TDS (111km) n’avait même pas été donné… pensée pour Pauline et Manu, restés à quai). 1239 ont saisi cette opportunité. Perso, même si je n’ai pas fermé l’œil de la nuit, je suis donc resté dans ma chambre. Plus envie non plus de retourner sous la flotte et dans le froid. Et surtout la certitude que le formatage mental que j’avais mis en place pour essayer d’aller au bout des 166km serait inefficace sur la moitié et que, très vite, le cerveau aurait lancé des : « à quoi bon ? ». Tout m’aurait très vite énervé et le plaisir aurait disparu.
Malgré tout, je ne suis pas prêt d’oublier les 20 minutes qui ont précédé le départ et les 15 premières minutes de course lors de la traversée de Chamonix. On m’avait prévenu que ce départ était prenant. Mais à ce point là, c’est un truc de fou ! Un moment rare. Des coureurs qui pleurent, des spectateurs qui pleurent et une ambiance d’une incroyable intensité. Rarement, voire même jamais, je n’avais perçu une telle émotion lors d’un départ (même pas sur l’EmbrunMan). Les regards échangés dégageaient une puissance inouïe. L’impression de voir des soldats partir en mission pour libérer le pays. Nous étions des héros avant même nos premières foulées. Dans ces moments, où la plupart des spectateurs amassés dans les rues de Chamonix ou sur les balcons, étaient des accompagnateurs de coureurs, on se rend compte que s’attaquer à l’UTMB représente bien plus qu’une expérience personnelle. Elle implique toute une famille, tout un cercle d’amis devenus supporters… et même fans.
Alors pour tout le monde, ce départ est déjà une arrivée. L’arrivée de plusieurs mois de sacrifices familiaux, parfois financiers et d’un investissement à la hauteur du défi. Ce départ, c’est un premier rêve qui se réalise, celui d’être là, au pied de l’église de Chamonix, sac sur le dos, prêts à s’attaquer à ces 166km.
Car si être un « finisher » de l’UTMB est un aboutissement pour beaucoup, en être un « starter » est déjà un honneur et un privilège. A ce sujet, concernant le terme de « finisher », attention aux contrefaçons 2010… Les polaires « finisher » ont été données à tous les coureurs inscrits sans doute pour effacer une partie de leur frustration… « Marrant » de voir autant de coureurs l’arborer dans les rues de Chamonix le samedi après-midi alors qu’ils n’étaient même pas repartis pour le demi-utmb… perso, je ne suis pas allé la chercher. Le blouson, je ne le porterai que quand j’aurai réellement fait le tour de ce Mont-Blanc… question de principe !
Place aux bravos et aux remerciements. On attaque par les bravos. Bravo à Cécile Bertin, alias Barbie, qui a réussi à trouver la force de sortir de sous la couette malgré une nuit blanche pour se relancer sur le demi-Utmb et le terminer en un peu moins de 20 heures. La flamme qui brille en elle suffirait à éclairer toute la vallée de Chamonix un soir de panne électrique ! Bravo à l'organisation pour avoir ramener 2000 coureurs en pleine nuit de Saint-Gervais à Chamonix puis plusieurs centaines de Vallorcine à Chamonix suite à l'arrêt de la CCC après le passage des premiers, en mobilisant une noria de bus, en réveillant des conducteurs de train etc.
Les mercis. Un immense merci aux filles d’Infocîmes, Anne, Laure, Laetitia et Geneviève pour leur formidable accueil, leur compétence et évidemment leurs sourires. Merci à Barbara pour sa présence, les moments partagés et son soutien. Merci aux bénévoles dont la mobilisation et l'enthousiasme ont permis à 1000 coureurs de pouvoir tout de même s'offrir une "consolante" samedi. A son l'arrivée, l'Américain qui a fini deuxième
(la photo créditée à The North Face comme celle ci-dessus de la gagnante féminine, la Britannique Lizzy Hawker, charmant p'tit bout de femme) a confié qu'il aimerait que "ses compatriotes aient juste un huitième de l'enthousiasme des spectateurs et des bénévoles de Chamonix et que nulle part ailleurs on ne pouvait voir ça"... faut dire que l'arrivée dans Chamonix donne sacrément envie avec des voies lactées dans les yeux de tous ceux qui franchissent la ligne... et dire que ce n'était qu'un demi-Utmb). Et pour conclure, un infini merci à tous ceux qui ont eu la gentillesse de m’envoyer un petit mot, un petit commentaire, un petit sms ou de m’appeler pour me témoigner de leur soutien. Béné, précieux et indéfectible soutien, Christine (voilà, j’ai enfin rencontré Tom « pour de vrai »), Mel et Mya, Cécile, Jennifer, Eric et Odile, Peg, Pierre-Yves, Sabine, Anouk, Sylvie, Anne et Thierry, Joël, Marie, Mathilde, Bruno, Walter, tous les intervenants des commentaires des news précédentes, fidèles compagnons de ce blog et tous les autres sur
Facebook ou ailleurs, MERCI. Je ne m’attendais pas à une telle présence. Je vous promets que ça m’a touché et que cela m’aurait donné de la force si la route avait dû être plus longue. Vraiment. Alors cette énergie, si vous le voulez bien, je vais précieusement la garder et m'en servir dans la vie tout court. Celle qui compte vraiment.
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Quid de la suite ? D’un point de vue sportif, tout d’abord un triathlon Eurostar le 14 septembre. Kesako qu’un triathlon Eurostar me direz-vous ? Alors, c’est une opération de communication d’Eurostar dans le cadre de son partenariat avec les JO de Londres. Concrètement, nous allons nager 1500m dans le bassin de la Villette à Paris, rouler 40km autour de l’Atomium à Bruxelles et courir 10km dans Regents Park à Londres. Et le tout dans la même journée. Nous, c’est 5 athlètes de haut niveau de chacun des trois pays, quelques VIP et quelques journalistes. Oui, j’avoue, je suis pistonné…
Une bonne mise en jambes donc avant probablement le triathlon de La Baule, le 19 septembre et la traversée de Paris en aviron, le 26 septembre. Bon, je vous entends déjà penser qu’avec l’inventaire de mes blessures, ce n’est pas trop raisonnable et que je ferais mieux de me soigner. Promis, après le 26, je vais y penser sérieusement. Me soigner et changer beaucoup de choses notamment dans l’hygiène de vie et l’alimentation (ça, je ne vais même pas attendre le 26 pour m’y mettre). A mon âge désormais avancé, je sens bien que si je continue sur le mode du grand n’importe quoi dans ces domaines, je ne pourrai plus m’amuser très longtemps avec toutes mes aventures. L’UTMB devait être une sorte de tournant symbolique. Alors, même si tout ça s’est résumé à 21km, pas de raison de ne pas prendre ce tournant et changer pas mal de mauvaises habitudes. Je suis désolé pour le chiffre d’affaires de McDo ou Coca, mais bon, plus trop le choix…