Auteur : Stefan Zweig
Titre original : Der kampf mit dem dämon
Éditeur : LivreDePoche
1ère édition : 1937
Ma note :
Résumé
Kleist, Hölderlin, Nietzsche : trois destinées fulgurantes et sombres, où les éclairs du génie créateur illuminent des vies brèves, en proie à l’excès, à la démesure, à la folie. Comme il l’a fait dans Trois poètes de leur vie, Stefan Zweig rapproche ici ces figures animées par un même mouvement intérieur. Pour ces errants, à peu près ignorés de leur vivant, la pensée ou la création ne sont pas cette sereine construction d’un idéal d’harmonie et de raison dont Goethe donne l’exemple accompli; elles ne peuvent naître que dans le corps à corps avec un démon intérieur qui fait d’eux les fils de Dionysos, déchiré par ses chiens. C’est en romancier, grâce à l’intuition et à la fraternité d’âme, que l’auteur d’Amok et du joueur d’échecs, fasciné par les dimensions les plus mystérieuses de l’esprit humain, mène ces évocations, dont bien des pages sont d’inoubliables morceaux littéraires.
L’avis de Pikkendorff
J’ai lu pour l’heure la partie consacrée à Frédéric Nietzsche. Ce texte dense de 90 pages possède une force de pénétration stupéfiante qui n’étonnera pas les connaisseurs de Sweig. Que l’on soit lecteur ou non de Frédéric Nietzsche, nul ne saurait passer à côté de ce monument de compréhension intime du philosophe qui vous imposera une nouvelle plongée dangereuse dans Zarathoustra, Ecce Homo ou le Gai Savoir. L’ami de Freud décrit l’homme en ses multiples dimensions, psychologique en digne ami et disciple du grand viennois, et celles du philosophe ou plutôt du philalèthe, ami de l’Alètheia plutôt que de Sophia, et bien sûr de l’écrivain. Nietzsche bouscule les idées, le système et aussi la langue allemande lui imprimant un rythme sonore qui devient musique.
« Il est donné aux natures possédées du démon de reprendre la notion depuis longtemps banalisée et tempéré pour la transporter dans un chaos créateur, dans une sphère de tension infinie. […] Une sincérité comme celle de Nietzsche n’a plus rien de commun avec l’instinct de prudence domestiqué, dompté et tout à fait tempéré des marchands, pas plus qu’avec la sincérité grossière et brutale de nombre de penseurs qui, portant à droite et à gauche des œillères, ne se précipitent que sur la voie d’une seule vérité, la leur. » « L’homme qui connaissait si bien Hölderlin, Kleist et Nietzsche devait être un de leurs frères », écrivait un de ses proches après le suicide de Stefan Zweig en 1942.