Unica, la fille aux cheveux blancs ?
Non, la petite fille éternelle aux cheveux blancs comme de la coke.
Celle que CYBER traque sur le Net.
Celle surtout qui traque les détraqués au moyen de CYBER.
Une héroïne de l’avenir, donc résolument moderne.
Façon Philip K. Dick.
Ce septième roman d’Élise Fontenaille combine avec bonheur deux genres dont la proximité n’est pas nouvelle : la science-fiction et le roman policier entretiennent entre eux des rapports peut-être pas étroits mais au moins fréquents depuis L’Homme Démoli d’Alfred Bester et les premiers romans du Cycle des Robots d’Isaac Asimov ; sous bien des aspects, d’ailleurs, les cyberpunks avaient en leur temps repris de nombreux éléments du roman noir pour les transposer dans leurs propres visions d’un futur au caractère le plus souvent dystopique. Si Unica rappelle assez ces dernières œuvres, il s’en démarque pourtant, car il est ici moins question de dystopie que d’actualité – même si certains esprits plus ou moins chagrins diront qu’il s’agit de la même chose…
Dans cet avenir si proche qu’il en devient presque immédiat, pour ne pas dire qu’il n’est en fin de compte qu’une métaphore du présent, une brigade spéciale de la police anti-cybercriminalité, et justement appelée Cyber, se dévoue toute entière à lutter contre ces cyberpédophiles dont les médias nous abreuvent (1). Herb est un de ces cyberflics, qui a trouvé sa vocation suite à la disparition de sa sœur aînée alors que tous deux étaient enfants : convaincu qu’elle a été enlevée par un pédophile, il a intégré cette brigade spéciale dans des circonstances assez tortueuses ; à présent blasé par les horreurs quotidiennes que sa profession révèle au grand jour, mais toujours obsédé par la recherche de sa sœur disparue, il s’engage peu à peu dans une relation pour le moins malsaine avec la jeune Unica.
Tout commence avec des cas d’agressions à la fois sophistiqués et bien ciblés : des cyberpédophiles traqués par Cyber sont rendus aveugles par l’insertion d’une puce dans leur cortex qui leur fait ressentir les souffrances des enfants torturés dont ils se régalent des photos et autres médias pêchés sur des réseaux criminels spécialisés. Peu à peu, le puzzle que reconstitue Herb avec ses talents de hackers le mettront sur la piste d’une demi-douzaine d’enfants pour le moins… uniques. Dans sa découverte d’UNICA, il apprendra à connaître Unica elle-même et avec celle-ci des facettes de lui-même qu’il aurait peut-être préféré ignorer – car la disparition de sa sœur semble l’avoir brisé beaucoup plus que ce qu’il voulait bien l’admettre…
Élise Fontenaille nous livre ici un roman intelligent et sensible, qui évite avec adresse les poncifs du thème dans tout ce qu’ils ont d’obscène et de racoleur, et dont la brièveté reste la garantie qu’il ne s’essouffle pas dans des éléments somme toute secondaires. Le final, pour le moins brillant et tout à fait caractéristique de cette littérature dite générale qui ne perd pas de vue l’aspect humain d’une narration, propose un retournement de situation quant à la condition du héros et ouvre le récit vers une lueur d’espoir plus que bienvenue après une plongée en apnée dans plus de 100 pages d’un portrait douloureux d’une des faces les plus obscures de la nature humaine.
(1) à juste titre, certes, mais peut-être aussi avec cette exagération qui leur est coutumière…
Unica, Élise Fontenaille
Livre de Poche, collection SF n° 27065, mai 2008
160 pages, env. 5 €, ISBN : 978-2-253-12351-4
- Nouveau Grand Prix de la science-fiction française 2008
- la préface de Gérard Klein
- d’autres avis : nooSFère, Mes Imaginaires, Teytaud, Passion du Livre
- des interviews de l’auteur : ActuSF, LeFantastique.net
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