Un film récent met en émoi beaucoup de gens en France: il a été vu par plus de 3 millions de personnes. Il s'agit du film de Christopher Nolan qui met en scène un “cambrioleur de rêves”, capable d’influencer le comportement de sa cible.
Dom Cobb (Leonardo DiCaprio) est un voleur expérimenté – le meilleur dans l’art périlleux de l’“extraction”: sa spécialité consiste à s’approprier les secrets les plus précieux d’un individu pendant qu’il rêve. Très recherché pour ses talents dans l’univers trouble de l’espionnage industriel, Cobb, traqué par les polices du monde entier, se voit confier une ultime mission: l’“inception”. Au lieu de subtiliser un rêve, Cobb et son équipe doivent faire l’inverse : implanter une idée dans l’esprit d’un individu… Sur ce scénario astucieux, le réalisateur Christopher Nolan a construit un film d’action visuellement habile et intellectuellement stimulant qui, un mois après sa sortie en France, avait déjà conquis 3 416 043 spectateurs, le 17 août (lire la critique de Laurent Dandrieu). La presse s’en mêle, le Monde y voit un " blockbuster cérébral " et, sur Internet, la page Facebook consacrée à Inception rassemble près de 1,8 million de fans. Tous y vont de leur hypothèse sur le dénouement (issue réelle ou onirique ?) et confrontent leurs différentes interprétations du film – c’est-à-dire ce qu’ils ont compris d’une intrigue haletante mais assez compliquée pour entretenir, même après le mot “fin”, le suspense… et les discussions autour de la table familiale.
Le succès d’Inception prouve que les secrets du monde onirique continuent de fasciner chacun d’entre nous. Mais peut-on manipuler les rêves comme le suggère la fiction ?
Qu’est-ce que le rêve ? Comment définir le rêve ? Diverses réponses ont été apportées sans clore le débat. C’est la preuve qu’elles ne sont pas satisfaisantes et qu'il faut rester prudents : la science exige que nous distinguions ce que nous savons des hypothèses que nous pouvons formuler. Pour rêver dans les conditions du rêve, il est -primitivement- nécessaire de dormir : le rêve est l’enfant du sommeil. Ce qui paraît une évidence – mais a parfois été contesté – conduit logiquement à s’intéresser au sommeil. Nous savons qu’il n’est pas uniforme: il est possible de le décomposer en cinq stades selon son intensité ou sa profondeur. Ces stades se définissent en fonction de l’amplitude et de la fréquence des signaux électriques cérébraux mesurés par l’électroencéphalographie.
Peut-on manipuler les rêves ou, du moins, les influencer ? Les influencer, oui. Les manipuler, pas encore – et c’est heureux ! Des expériences de stimulations tactiles ou auditives ont été conduites pendant des épisodes de rêve. Le rêveur faisait à son réveil un récit prouvant qu’il avait incorporé ces stimuli dans le scénario de son rêve, sans comprendre qu’il s’agissait de stimuli extérieurs. Mais il arrive parfois, en rêve, que nous sachions parfaitement que nous sommes en train de rêver, bien que nous soyons endormis: ce sont des “rêves lucides”, étudiés notamment par Stephen LaBerge, selon qui "les rêveurs lucides possèdent une maîtrise tout à fait remarquable du contenu de leurs songes : ils peuvent le transformer (en faisant apparaître ou disparaître à volonté des personnages ou des objets oniriques, par exemple) et transgresser les lois physiques (voler ou transpercer la matière…), facultés qui sembleraient magiques, voire impossibles dans le monde matériel ".
En revanche, aucun scientifique sérieux n’a jamais prétendu – à ma connaissance – pouvoir “injecter” chez un rêveur une idée telle qu’il fasse des choses qu’il n’aurait pas faites autrement. L’oniroscope (appareil permettant d’obtenir au moins la trace audiovisuelle du contenu du rêve) est encore lui-même un songe, et son principe de fonctionnement reste à découvrir ! Nous sommes là dans le domaine de la science-fiction, qui va bien plus loin que celui d’Inception.
Puisque j'étudie les rêves depuis plus de 30 ans, sous l'angle de se les expliquer pour mieux évoluer ou mieux être, j'ai eu souvent des discussions avec des clientes. J'ai pu ainsi apprendre que certaines m'indiquaient posséder une capacité dont je suis dépourvue (et oui!): deux ou trois personnes m'ont avoir été réveillées la nuit et donc être sortie d'un rêve qui était positif pour quelques raisons que ce soit (s'occuper d'un bébé par ex.) et de revenir se coucher pour reprendre le rêve où elles l'avaient laissé. Je ne mets pas en doute cette possibilité mais je n'en suis pas très sûre. Par contre, je sais, pour l'avoir expérimenté, que l'on peut, après avoir été réveillé-e d'un rêve plaisant, revenir au lit et se rendormir en disant, je vais faire un bon ou joli rêve; ce qui se produit. Mais, dans ces quelques cas, je n'étais pas restée plus de deux minutes à trois maximum réveillée.
À lire
Rêves récurrents, de Christian Beaubernard, Éditions Publibook Université, 200 pages, 25 €.
Le Sommeil et le Rêve, de Michel Jouvet, Odile Jacob.
OEuvres complètes, psychanalyse, volume 4 : L'Interprétation du rêve, 1899-1900, de Sigmund Freud, Puf